Le jeune chamelier était bien fait de sa personne. Il plut à la fille du maître de la caravane et le mariage fut aussitôt célébré. Le lendemain, le garçon, comme à son habitude, alla visiter la ville. Il s?approcha d?un immense palais qu?entourait une foule nombreuse. ? A qui est ce palais, demanda-t-il, et que faites-vous tous devant ? ? C?est le palais de notre roi. Un tournoi d?échecs s?y déroule. Celui qui perd trois fois contre le roi aura la tête tranchée. Il a promis à celui qui le vaincrait trois fois de lui donner en mariage sa fille, qui est d?une beauté merveilleuse. Mais notre souverain est très bon joueur, beaucoup de têtes sont déjà tombées, et la fille du roi n?est toujours pas mariée. «Tiens, pensa le garçon, voilà une bonne occasion de vérifier mon habileté aux échecs. Je vais relever le défi». Le roi était assis dans une immense salle, entouré de son vizir, de ses généraux et de nombreux courtisans. Il attendait le téméraire qui oserait se mesurer à lui. ? Tu n?as pas peur ? demanda-t-il au garçon. ? Nullement. ? Si tu perds, inutile de me demander grâce. ? Je ne demanderai pas grâce. Le jeu commença. Le roi remporta la première partie, puis la deuxième. ? Ta vie ne tient plus qu?à un fil, remarque-t-il. Mais le garçon remporta la troisième partie, puis la quatrième et la cinquième. ? On continue, s?écria le roi. ? J?ai déjà gagné ta fille. Quel est l?enjeu, cette fois ? ? La moitié de mon royaume, clama le souverain. Le vizir se pencha vers lui et lui murmura à l?oreille : ? Est-ce bien prudent, ô maître, de risquer la moitié de tes possessions sur une partie ? ? Une seule partie à gagner, répondit le roi, et sa tête saute. Mais le jeune homme gagna encore. Alors le roi pris au jeu, lança : ?Encore une, pour l?autre moitié de mon royaume. Le vizir était de plus en plus inquiet : ? Oh, maître, donnez-lui plutôt votre fille et la moitié de votre royaume, sinon vous risquez de tout perdre. ? Cette fois, je le bats, j?en suis sûr. Je rentrerai en possession de ma fille et de la totalité de mon royaume, et je lui ferai couper la tête. Le jeu commença. Et une fois de plus, c?est le garçon qui gagna. Il alla s?asseoir sur le trône et dit : ? Désormais, c?est moi qui commande. Toi, je te nomme juge suprême. Ta fille, je n?en ai pas besoin, je suis déjà marié. Et demain doit arriver en ville une caravane. Je veux, dès qu?elle sera là, que l?on m?amène au palais le maître de caravane. Le lendemain, ses gardes lui amenèrent son ancien patron, qui écarquilla les yeux d?étonnement. ? Tu ne te trompes pas, lui dit le nouveau souverain. Je suis bien l?homme que tu as dépouillé une fois et voulu tuer deux fois. Il se tourna ensuite vers ses courtisans, leur raconta son histoire et leur demanda : ? Que mérite cet homme ? Les courtisans et l?ancien roi, maintenant juge suprême, proposèrent de lui couper la tête. Mais le nouveau souverain dit : ? Tout le mal qu?il m?a fait, c?est du passé. depuis, j?ai épousé sa fille. Il est donc mon beau-père. Je lui laisse la vie sauve. Ensuite, le garçon envoya chercher son vieux père, dont la joie ne connut pas de bornes quand il vit son fils sur le trône. ? Comment as-tu pu t?élever si haut, mon fils, toi qui n?avais pas d?or ? ? C?est bien la preuve, père, qu?il y a des choses plus utiles que l?or.