Le garçon ne se laissa pas abattre. À dix-huit ans accomplis, il était fort, hardi, bon cavalier, et il n'eut pas de mal à se faire embaucher comme chamelier dans une caravane. Il pourrait ainsi continuer à satisfaire sa passion pour les voyages et les découvertes. Le maître de caravane lui promit, en échange de son travail, nourriture et vêtements. La caravane devait traverser un immense désert. Elle avançait jour après jour, sous un soleil implacable. Hommes et bêtes souffraient cruellement de la soif, quand, enfin, les voyageurs aperçurent un vieux puits très profond. Les caravaniers voyaient bien la surface de l'eau briller tout au fond, mais cette eau refusait de couler dans leur seau, et la corde finit par se rompre. Le maître de caravane dit alors à son nouveau chamelier : ? Tu es jeune et fort. C'est toi qui descendras récupérer le seau. Quelle ne fut pas la surprise du garçon, quand il atteignit le fond, de découvrir que la surface brillante qu'il voyait d'en haut n'était pas de l'eau, mais de l'or. Il en remplit le seau, le rattacha à la corde et donna le signal de le remonter. Le maître de caravane, ravi de l'aubaine, cria au jeune chamelier : ? Y a-t-il encore de l'or, en bas ? Sur la réponse affirmative du jeune homme, il lui renvoya la corde. Mais une fois qu'il eut récupéré tout l'or du puits, il pensa : «Je n'ai plus besoin de ce garçon, et s'il sort du puits, il va me réclamer sa part. Mieux vaut qu'il reste au fond.» Aussi, quand les caravaniers commencèrent à remonter le garçon, le maître de caravane tira son poignard et coupa la corde. Le chamelier, se voyant abandonné, se mit à inspecter les parois du puits et y découvrit une porte de fer. Il l'ouvrit et aperçut une sorte de cagibi dans lequel un vieillard était couché. «Voilà donc, pensa-t-il, à qui appartenait le trésor que j'ai trouvé.» Au mur était accrochée une flûte. «Perdu pour perdu, se dit le garçon, je vais faire de la musique une dernière fois.» Les sons de l'instrument réveillèrent le vieillard qui dit : ? Je dois jouer tous les soirs de cette flûte et, hier soir, j'ai oublié. Si tu n'étais pas venu, je me serais endormi pour toujours. Tu peux me demander ce que tu voudras, je te le donnerai. ? Ce que je veux, ô noble vieillard, c'est la liberté. ? Je suis le maître de ce monde souterrain, répliqua le vieillard. J'ai le pouvoir de t'en faire sortir. Quelques secondes après, le garçon se retrouvait au milieu de la caravane. Il reprit son travail comme si de rien n'était, sans dire un mot. Ce silence inquiéta plus que tout le maître de caravane. «Ce gars-là cherche une occasion de se venger. Je ferais bien de prendre les devants.» Il appela le jeune homme : ? J'ai une mission d'importance à te confier. Prends un cheval rapide et va à la prochaine ville porter un message à ma femme pour lui annoncer mon arrivée. Et le maître de caravane rédigea la lettre suivante : j'ai découvert un fabuleux trésor, mais il ne sera définitivement à moi qu'après la mort du porteur de ce message. Fais le nécessaire et n'oublie pas d'embrasser pour moi notre fille bien-aimée. Elle pourra avoir bientôt tous les bijoux qu'elle désire. Le garçon, lui, était bien placé pour savoir qu'il ne pouvait avoir aucune confiance dans le maître de caravane. Comme il savait lire, il prit connaissance de la lettre et comme, dans sa première école, il avait été le plus habile à écrire, il n'eut pas de mal à imiter l'écriture de son maître pour rédiger un nouveau message qui disait : le porteur de ce message m'a aidé à trouver un fabuleux trésor. Je veux, pour le récompenser, que tu lui donnes notre fille en mariage. (à suivre...)