Obstacle n «On n'arrête pas de naviguer dans les textes», déplore Tayeb Saïd, enseignant à l'Ecole nationale d'administration. Il existe 34 textes relatifs à la Fonction publique sans compter la trentaine de statuts qui régissent les régimes particuliers. La pléthore des textes fait que «les fonctionnaires ne savent pas comment agir en cas de litige avec leur administration», déclare-t-il avant de préciser : «Il y a des abus de l'administration et les fonctionnaires ne connaissent pas bien leurs droits.» Cette situation est à l'avantage de l'administration qui se limite à une liste nominative de sanctions avec souvent un lot de confusions entre sanctions et fautes. «Le danger apparaît lorsque la mesure disciplinaire est prise comme sanction», regrette cet universitaire. Pour ainsi dire, plusieurs fonctionnaires, même ceux occupant des postes supérieurs, sont pursuivis par leur administration en justice éludant le règlement des litiges à l'amiable. Une autre entorse à la loi est mentionnée clairement par des magistrats au Conseil d'Etat. L'un d'eux a dénoncé «les fautes professionnelles graves qui ne sont pas validées dans des procès-verbaux d'autant que les conseils de discipline ne sont pas saisis». Des fonctionnaires ayant «abandonné leur poste de travail à la suite d'une mutation dont ils ne voulaient pas, sont directement suspendus sans notification», fait remarquer un magistrat au Conseil d'Etat. Or, la loi «exige que la suspension d'un fonctionnaire soit limitée par un délai qui ne saurait dépasser 45 jours». Il faut préciser que l'ordonnance de novembre 2006 relative à la Fonction publique «permet au fonctionnaire suspendu de percevoir la moitié de son salaire jusqu'au verdict final du tribunal ou du Conseil d'Etat». Ce qui n'est souvent pas le cas dans certaines administrations. D'un autre côté, les sanctions sont parfois exagérées, selon Tayeb Saïd qui se montre ferme en soulignant : «Avant de prendre une sanction, il faut avoir à l'idée le degré de responsabilité de l'agent incriminé.» Autrement, la confusion est vite relevée au Conseil d'Etat qui ne laisse pas ce genre de détail échapper à son appréciation. Sur un autre plan, Mme Sid Lakhdar Fafa, magistrate au Conseil d'Etat, a décortiqué le nouveau statut de la Fonction publique issu de l'ordonnance de novembre 2006. Elle y voit l'introduction d'une nouveauté, celle des fautes du quatrième degré. Auparavant, les fonctionnaires étaient régis par trois degrés de sanctions, mais, de nos jours, il est apparu «de nouvelles formes de délits, dérives et manquements qui sont rangés comme fautes graves par le législateur». Mais pour la magistrate «l'ordonnance de 2006 a octroyé de larges droits aux fonctionnaires». Cela veut-il dire que les fonctionnaires sont protégés par la nouvelle loi ? Selon Mme Sid Lakhdar «le plus grave est le licenciement d'un fonctionnaire» et d'ajouter : «Les sanctions d'ordre extraprofessionnel peuvent conduire à ce licenciement.» Elle signale également que «la révocation découle d'une situation qui n'existe pas» tout en précisant qu' «elle ne figure pas dans le 4e degré». Ce constat amène à se poser des questions sur les imprécisions de la loi à ce sujet. «Très souvent, l'administration évoque à tort révocation et licenciement.» Ce qui complique la situation, c'est la longue attente du fonctionnaire pour sa réhabilitation à son poste de travail. Au niveau de la justice, la magistrate précise que «la situation du fonctionnaire suspendu doit être réglée en deux mois».