Baisse de natalité n La maternité qui couvre les besoins de toute la commune et même de certains villages des municipalités environnantes enregistre une naissance tous les 12 jours. Dans un spacieux bureau rectangulaire, le secrétaire général de l'APC de Béni Yenni confirme l'amer constat. «Oui, l'exode est une réalité. La région se vide peu à peu de sa population. ?a saute aux yeux. Vous n'avez qu'à circuler dans les rues des différents villages pour le constater. Il y a moins de mariages, moins de naissances, moins de touristes. Les commerçants et les artisans baissent rideau les uns après les autres. Que reste-t-il quand on arrive à fermer des écoles faute d'élèves ?» Mais en bon administrateur, il préfère s'en remettre aux statistiques. Froides. Infaillibles. M. Nezzar, la quarantaine, égrène les chiffres du «désastre» avec un pincement au cœur qu'il n'arrive pas à dissimuler. Durant les années 1990 déjà, les sept villages qui constituent la commune de Béni Yenni ont perdu près d'un millier d'habitants. Ce qui est énorme pour une population qui dépasse à peine 7 000 habitants. Au dernier recensement général de la population et de l'habitat (Rgph) effectué en 1998, la commune comptait 6 800 habitants contre 7 560 en 1987. Soit plus de 10% de moins au moment où la population algérienne croît chaque année de 2%. Ce n'est que le début, cependant. Notre interlocuteur affirme, en effet, que l'exode a pris des proportions alarmantes après 1998 et dit s'attendre à une chute vertigineuse du nombre total de la population au prochain Rgph prévu l'année prochaine. Invité à donner son estimation, il refuse catégoriquement, se contentant de dire que la régression sera «beaucoup plus importante qu'en 1998». Des citoyens rencontrés dans les rues du village n'hésitent pas, eux, à situer le taux de l'exode de la population entre 60 et 70% et estiment que la tendance n'est pas près de s'estomper. Le plus pessimiste est incontestablement Da Mohand. Il prévoit l'extinction de villages entiers dans un proche avenir. Le septuagénaire y va de son analyse : «Il s'agit d'un phénomène qui s'accélère. Chaque artisan qui quitte le village entraîne d'autres habitants dans son sillage. Un atelier de bijouterie fait vivre directement et indirectement plusieurs familles. Un commerçant ou un transporteur qui voit son activité régresser n'a d'autre choix que d'aller, lui aussi, chercher du travail en ville. Idem pour les maçons et ainsi de suite… » Les chiffres de l'état civil ne sont pas moins éloquents et abondent dans le même sens. Le nombre de naissances n'a pas cessé de régresser depuis les années 1980. En 1985, il a été enregistré 97 naissances. Dix ans plus tard ce sont seulement 69 nouveau-nés qui ont été inscrits. En 2006, la commune n'a enregistré que 32 naissances, soit le tiers du niveau de 1985. «Il n'y a pourtant pas que les femmes de Béni Yenni qui accouchent à la maternité de la localité qui reçoit également des parturientes des communes environnantes de Yattafen et d'Iboudraren», précise le fonctionnaire comme pour mieux ressortir l'ampleur du phénomène de la baisse de la natalité dans la région. Décortiqués, ces chiffres laissent penser que le service maternité du centre de santé de la commune enregistre une naissance… tous les 12 jours. On est loin des maternités saturées de Tizi Ouzou ou de la capitale qui enregistrent régulièrement plus d'une quarantaine de naissances par jour et qui sont contraintes parfois d'installer plusieurs femmes dans un même lit. La baisse du nombre d'habitants n'est pas imputable à une mortalité élevée. Les chiffres de l'état civil sont là pour désigner l'exode comme le principal facteur qui vide les villages des Ath Yanni de leurs habitants. Le nombre de décès enregistrés a, en effet, suivi une courbe descendante depuis les années 1980 (47 en 1985, 38 en 1995 et seulement 34 l'année dernière).