Relaxation L?atmosphère humide du hammam incite à la détente, au bonheur des femmes de la vieille ville de Constantine. Trônant au-dessus du grand hall où des deux côtés de l?allée s?étendent de larges estrades recouvertes de tapis en nylon, la préposée au hammam moulet el-Fnik, le front ceint d?un foulard foncé qui lui cache les cheveux, ouvre le tiroir de son vieux bureau d?un geste nonchalant, compte sa monnaie et la dépose sur la table. ? Saha lik, el-hadja, le bonjour aux filles ! La vieille dame recompte, à son tour, les petites pièces, et les noue dans un mouchoir qu?elle glisse dans son corsage. ? Au revoir, Safia, à la semaine prochaine, incha Allah ! El-hadja sort de son pas lent, saluant ses connaissances des deux côtés des doukanat. L?atmosphère humide du hammam incite à la détente. Les nouvelles arrivées choisissent un coin libre et s?installent contre les parois de faïence, déposent leurs petites valises, et entreprennent de se déshabiller après avoir sorti leurs larges serviettes, les foutas, le savon, le tfêl préparé avec de l?eau de fleur d?oranger, qui va laver et faire briller les chevelures, les peignes fins et les gants de crin. Puis, une à une, sous l??il vigilant de moulet el-fnik, les femmes, drapées dans des foutas à rayures portant chacune un petit seau en cuivre sculpté qui contient tout le nécessaire du bain, les cheveux défaits, entrent dans l?antichambre de bit esskhoun, une petite pièce chaude où elles se reposent un petit moment, avant de pénétrer dans la salle pleine de vapeur d?eau si dense que chacune ne devient plus qu?une silhouette vague et gesticulante, et où l?air est presque irrespirable? - Bonjour, La Khedidja ! - Bonjour Safia ! La Khedidja, encore recouverte de sa mleya noire, monte d?un pas pesant la petite estrade, cherche des yeux une place libre parmi les affaires de celles qui sont dans le bain et s?installe dans un coin. Après avoir repoussé un tas de serviettes et de vêtements, contre le mur, elle entreprend de déshabiller sa petite fille âgée de trois ans, puis se prépare et entre dans la pièce suffocante en la tenant par la main. Dès qu?elle pose le pied dans la grande salle pleine de vapeur d?eau, l?enfant se met à crier, comme le font tous les enfants paniqués par la chaleur et l?atmosphère irréelle de bit esskhoun. Elle s?assied sur le carrelage mouillé, traversé de rigoles rouges de henné, et d?écume de savon. Elle fait asseoir la petite fille devant elle et entreprend de lui laver les cheveux avec le tfêl puis savonne le petit corps gigotant. L?enfant pleure, se débat, mais sa grand-mère ne s?arrête que quand elle est toute rouge, débarbouillée à grands coups de gants de crin? Puis, avant de commencer son propre bain, elle la fait sortir dans «l?antichambre» un moment, pour se rafraîchir et la confie à une de ses connaissances pour la conduire sur la doukana, où elle attendra sagement sa grand-mère, le corps et les cheveux emmitouflés dans d?épaisses serviettes. La Khedidja, en vieille Constantinoise respectueuse des coutumes, reste un long très long moment dans bit esskhoun prenant tout son temps. (à suivre...)