Il n?y a pas de doute qu?une nation ne peut être harmonieuse, développée et porteuse de promesses que si elle sait se regarder dans le miroir des réalités sans craindre que ne lui soient renvoyées des images autres que celles où elle se complaît . Cette regrettable tendance est pourtant omniprésente dans notre état d?esprit. Nous refusons bien souvent de voir en face, de parler ou seulement d?entendre parler de choses qui nous interpellent ou qui dérangent notre béate satisfaction de nous-mêmes. Ces tabous sont parfois les ombres démesurées de notre personnalité, de notre histoire, de nous-mêmes. Sait-on seulement qu?il existe des Algériens de souche? Arabes, Berbères, Arabo-Berbères ? et dont la religion n?est pas l?Islam, mais le Christianisme ? Ils vivent pourtant parmi nous. Ils portent des noms et des prénoms typiquement algériens, ressemblent à tout le monde, peuvent porter des chèches, des burnous, ne pas parler un mot de français. Ils appartiennent à toutes les couches de la société, hormis dans les cercles du pouvoir, si l?on excepte le cas de Smaïl Mahroug, ex-ministre des Finances. Ces chrétiens algériens sont beaucoup plus nombreux qu?on ne croit. Ils sont surtout concentrés au nord et au sud du pays. Mais ces compatriotes vivent et pratiquent leur religion dans un climat de peur et d?intolérance qui n?est pas sans rappeler les premiers âges du Christianisme ou de l?Islam. Lorsque la persécution et l?intolérance étaient instituées en règle de société. Aujourd?hui plus que jamais, ils pratiquent leur dévotion et leurs mystères dans la peur et le secret. Ils sont taxés d?apostats, même lorsqu?ils ne se sont pas convertis et qu?ils sont nés de parents chrétiens. Beaucoup d?entre eux ont quitté le pays pour des terres d?asile où ils peuvent porter une croix sans craindre d?être lapidés. Certains, marqués par la haine et l?intolérance qu?ils ont subies dans leur propre peuple, ont franchi le Rubicon. Ils ont demandé la latinisation de leurs prénoms, parfois même de leurs noms. Mais malgré toute la charge de colère et d?amertume qui est en eux, ces transfuges de la foi ont gardé pour leur pays d?origine une tendresse infinie. Ils aiment à rappeler que les ancêtres des Algériens ont été profondément chrétiens, cinq siècles durant ! Et que les musulmans sont leurs frères.