Concept La culture, considérée comme le miroir de la société, définit l?individu dans sa spécificité et sa singularité. Longtemps, l?Algérie nous a paru autrement. Longtemps l?on a cru ? ou l?administration politique a voulu nous le faire croire ? que l?on avait une culture à part entière, structurée et dotée d?assises solides, stables, durables et concrètes, une culture opérante, et opérant dans un circuit fiable. L?école et les différents réseaux de communication, notamment la télévision qui a un grand impact sur le citoyen, véhiculaient ? et véhiculent toujours ? cette réalité, jugée évidente, indubitable par l?institution. Toutefois, cette réalité s?est avérée fausse. Car, quatre décennies après l?indépendance de l?Algérie, chacun s?est rendu compte que le pays est vulnérable, insuffisant, fragile, révélant ainsi au grand jour d?énormes déficiences sur tous les plans, tant économique, social, politique que culturel. Il connaît un déficit effarant dans le domaine artistique. L?art, ou encore la culture en Algérie, n?existe quasiment pas dans la mentalité, donc dans les différentes pratiques quotidiennes du citoyen. L?individu ne possède pas ce réflexe d?associer la culture à ses habitudes, parce qu?on ne lui a pas appris à le faire ni à l?école ni ailleurs. La culture n?a pas son espace dans notre société. Car, elle n?est pas prise en considération, donc en charge par les politiques. Pour l?Algérien, la culture se résume uniquement aux musiques et aux chants traditionnels, ou encore aux danses folkloriques, une image pittoresque que l?on cherche à donner de soi. Ou bien encore, elle se résume à cette culture officielle, où l?idéologie de l?Etat transparaît en filigrane. Cela revient immanquablement à dire que la création artistique, libre et individuelle n?existe pas ou presque pas. Les artistes, conscients de cet état de fait alarmant et soucieux du devenir de notre existence culturelle, travaillent à faire revivre la culture dans ses différents aspects. Or, ils agissent, ?uvrent hors circuit, en marge du réseau officiel. Puisqu?ils apportent une culture allant en contradiction avec l?officielle que l?institution tend à nous inculquer, une culture circonscrite, codifiée... Longtemps, l?on avait cru que l?on avait une culture, une vraie politique culturelle, mais, quarante ans plus tard, on s?est rendu compte que ce n?était pas le cas : on a ni cinéma, ni théâtre, ni autres expressions artistiques. Ce néant peut s?expliquer par le fait que la culture, lourde de sens et de valeurs, a été érigée sur un socle fragile, tel un monument édifié sur un terrain glissant, sans qu?il y ait, au préalable, une étude de la fiabilité et de la résistance du sol. Quarante années plus tard, ce socle n?a pas pu tenir, en raison des différents bouleversements sociopolitiques qu?a connus l?Algérie cette dernière décennie. Les années noires ont démontré que l?Algérie est vulnérable ; il s?agit également d?une prise de conscience quant à l?état actuel de la culture et de bien d?autres réalités. Aujourd?hui, c?est avec un sentiment d?amertume qu?on dresse un bilan de notre indépendance, un constat s?avérant navrant. Car tout est à revoir, à refaire, à reconstruire. Quarante années de discours et de slogans n?ont pas suffi à mettre en place une politique culturelle concrète, dynamique et favorable à la création enrichissante et édifiante. La traversée est donc à refaire.