Prétexte n Les Américains pratique la politique de «la fin justifie les moyens». Dans le seul but de protéger la «zone verte» des attaques de la résistance, ils ont érigé un mur contesté par la toute la population et même par… Al Maliki. Les inscriptions sur le mur n'ont rien changé. «Non, non, au mur». «Oui, oui, pour l'Irak». «Oui, oui, pour la liberté». Imposant et gris, le rempart de béton de cinq mètres de haut a été érigé en moins d'une semaine par l'armée américaine. Et les habitants des deux quartiers de Bagdad dorénavant séparés, Chola et Ghazaliya, doivent apprendre à vivre avec cette nouvelle barrière. «Le mur ne peut qu'inspirer plus de haine et encourager l'isolement entre les communautés, alors que nous débutons à peine le mois de ramadan», soupire Um Ali, une mère de famille qui réside à Ghazaliya, un quartier majoritairement sunnite. Dans son abaya (voile) noire, elle se hâte, comme elle le fait chaque jour depuis 15 ans, vers Chola, zone presque exclusivement chiite et réputée pour ses commerces et ses échoppes. «Rendre visite à la famille ou à des amis est devenu difficile, parce que le mur bloque des rues et des ponts qui reliaient les deux quartiers», ajoute Um Ali, elle-même chiite. La guerre lui a pris trois de ses enfants, tués dans les violences qui se sont déchaînées depuis l'invasion américaine de mars 2003, et elle a perdu l'espoir que les mesures de protection qui défigurent Bagdad puissent y ramener le calme. «Le mur ne nous apportera que des ennuis», estime-t-elle. «Il empêche les voisins de se regarder.» Mais les Américains font semblant d'ignorer ce refus pour le mur par la population irakienne et ne veulent que garantir leur «propre» sécurité. La raison est simple : ce quartier séparé par le mur se trouve près de la «zone verte», immense dédale de fortifications où résident les officiers et les diplomates envoyés à Bagdad par les Etats-Unis. C'est en avril 2007 que le cloisonnement confessionnel a pris une nouvelle dimension. C'était l'«argument» de l'armée américaine de construire ce mur de quelque cinq km de long entre une zone sunnite de Bagdad, Adhamiyah, et des quartiers majoritairement chiites. Le Premier ministre Nouri al Maliki a bien essayé de s'opposer à l'érection de ce qu'il considère comme des «barricades sectaires». En vain. Malgré les protestations et les manifestations de résidents mécontents, l'armée américaine a récidivé cette semaine en dressant sur plusieurs centaines de mètres, des blocs de béton de six tonnes chacun entre Chola et Ghazaliya. Mais le tracé de cette barrière a causé un nouveau problème, explique un cordonnier chiite de 33 ans assis dans son minuscule atelier, dans une ruelle de Chola. «Ce mur nous protège contre qui ?», demande-t-il. «De l'autre côté, ce sont également des chiites. Ils se retrouvent coincés entre les sunnites et le mur !». Le nouveau mur a, en effet, laissé du côté sunnite toute une section chiite du quartier de Ghazaliyah, illustrant la difficulté et le danger d'imposer un découpage confessionnel à une ville où la population a vécu mélangée.