Le Pentagone a indiqué que les événements de mercredi en Irak n'auraient aucun effet sur le plan de retrait des troupes américaines en cours. «Il y a des tentatives de la part des groupes insurgés pour exploiter les tensions intercommunautaires », a déclaré un porte-parole du département américain de la Défense, le lieutenant-colonel Ryder. « Mais à ce stade nous n'avons pas constaté le même degré de violence, de vengeance et de représailles que nous voyions en 2006-2007 », a-t-il dit. Dans la journée la plus sanglante depuis février 2008, deux attentats au camion piégé visant des édifices gouvernementaux ont fait, à quelques minutes d'intervalle, au moins 95 morts et plusieurs centaines de blessés en plein coeur de Bagdad. L'attentat le plus meurtrier s'est produit en face des bureaux du ministère des Affaires étrangères, près de la «zone verte» qui abrite le siège du gouvernement et l'ambassade américaine. Quelques minutes plus tôt, un kamikaze avait fait sauter son camion bourré d'explosifs à proximité du ministère des Finances, à quelques kilomètres de distance. La police irakienne a fait état d'au moins quatre autres attaques dans différents secteurs de la capitale. Ces attaques n'ont pas été revendiquées, mais ce porte-parole a annoncé l'arrestation de deux membres d'al-Qaïda. Une autre source officielle a étendu le blâme aux anciens membres du parti Baas de l'ancien président Saddam Hussein. Le premier ministre Nouri al-Maliki a admis, pour la première fois depuis le début de la flambée de violence enregistrée au printemps, que son gouvernement devra réévaluer ses dispositifs de sécurité. Dans un communiqué, le premier ministre estime que les attentats visent «à inspirer des doutes» au sujet des forces irakiennes qui, selon lui, «démontrent qu'elles sont parfaitement capables d'affronter les terroristes». Il y a deux semaines, son gouvernement avait fait retirer la plupart des murs de sécurité qui obstruaient de nombreuses rues de Bagdad, dont ceux situés à proximité du ministère des Affaires étrangère. Pris pour cible, le gouvernement irakien a-t-il la capacité de réagir au défi terroriste ? Telle est la question qui hante le commun des irakiens ébranlés dans leurs certitudes. « Le gouvernement nous dit que la sécurité est revenue. Où est-elle ? L'attentat s'est produit devant le Ministère des Affaires étrangères, au cœur de Baghdad », se désole un baghdadi devant le parking de l'immeuble en fumée. Totalement ravagés, pour la seconde fois fait-il le préciser depuis 2007, les symboles de la souveraineté reconquise et de l'Etat en reconstruction renouent avec l'ère de la violence. Dans son édition européenne, le quotidien de New York établit le constat selon lequel « ces attaques coordonnées ont été les plus meurtrières depuis que les forces américaines se sont retirées des villes le 30 juin. Elles mettent cause l'efficacité des services secrets irakiens ». Ainsi, de la guerre confessionnelle aux tensions communautaires, le mal irakien s'est étendu ai cœur de l'Etat menacé d'effondrement total. «En ciblant aujourd'hui la zone verte et les bâtiments gouvernementaux- les Affaires étrangères sont dirigées par un kurde et les finances par un chiite- on a voulu envoyer un message direct à Maliki pour lui faire comprendre qu'il est incapable de contrôler ou de dominer les arabo-sunnites », fait remarquer le professeur Sami Aoun de l'Université de Sherbrooke. La rivalité légendaire est alimentée par le sentiment de frustration et de marginalisation qui prévaut notamment dans les rangs des milices tribales sunnites écartés du processus politique après avoir contribué à la baisse de la violence. Au Nord, se greffe le conflit entre le gouvernement autonome kurde et le gouvernement central qui se disputent la souveraineté sur certaines villes contestées, heureusement réglé par voie de compromis instaurant une force tripartite (les peshmergas, les américains et les forces irakiennes). Les germes du chaos intégral poussent dans un pays en ruine. Le scénario du pore est-il à venir ?