Tradition n La chorba «frik» est en tête des plats traditionnels qui ont trouvé en ce mois sacré «une forteresse» à leur survie à Constantine et à leur «expansion territoriale» dans le reste du pays. C'est le retour en force, sur les étals des marchés, du frik, le blé vert qui sert à la préparation de cette inamovible entrée de la table du ramadan. En fait nombreux sont les plats et les pâtisseries traditionnels qui retrouvent une place de choix sur la table du ramadan à Constantine, mais cela n'empêche pas les vieux et même les plus jeunes de dire que le ramadan n'a plus la «saveur d'antan». Pourtant, les ménagères constantinoises et ce quel que soit leur niveau social et d'instruction continuent à perpétuer les traditions en refaisant, à l'approche du ramadan, les mêmes gestes ou presque, que leurs grand-mères et arrière-grand-mères. Le rituel entourant la chorba frik a, certes, été énormément allégé par rapport à un passé récent, où les mères de famille se mettaient un point d'honneur à moudre avec le mettable – une sorte de meule en pierre – le grain de blé vert et le faire cuire sur du charbon dans une marmite spéciale en terre cuite appelé fachouch. Mais, le goût de la chorba frik reste incomplet si elle n'est pas accompagnée d'un bon morceau de galette chaude. Même si les boulangers font un effort substantiel pour varier et améliorer les qualités du pain pendant le carême, rien ne vaut, aux yeux d'un Constantinois, la bonne vieille kesra maison, véritable «must» du mois de jeûne contrarié, cette année, par le prix exorbitant de la semoule, ce qui n'est pas fait pour encourager les ménagères autrement prêtes à braver la chaleur à la limite du supportable de ce ramadan, pour ne pas faillir à la tradition. Il y va de la kesra comme du bourg, cet autre entremet symbole du ramadan à Constantine. Les diouls appelés ici khatfa nécessaires à la fabrication de cet entremet que l'on garnit de farces diverses aussi bien salées que sucrées, sont pratiquement introuvables sur le marché le reste de l'année, mais proposés à la vente à tous les coins de rue pendant le ramadan. Il faut dire que cette année cette marchandise a néanmoins accusé un recul à cause toujours du prix élevé de la semoule qui sert à sa fabrication. Outre ces mets, somme toute à la portée de toutes les bourses, il y a les tajines qui demeurent un luxe pendant le mois de l'année et qui sont incontournables pendant le ramadan. Chaque ménage les prépare en fonction de ses moyens. C'est le cas du tajine aux pruneaux, un plat chaud et sucré que l'on prépare généralement en guise de bon présage le premier jour du jeûne et dont l'odeur de fleur d'oranger, de cannelle et de girofle qui entrent dans sa préparation, font partie des parfums caractéristiques du mois sacré. Les plats consistants comme la tchekhtchoukha, la thrida ou la rechta et autres plats du même genre, sont, pour leur part, «convoqués» pour célébrer la mi-carême ou le 27e jour du mois sacré par une nafka à l'ancienne.