Tradition n Dès que le rouge-gorge se met à gazouiller dans les buissons ou sur les haies des champs, pour signifier que l'hiver s'est installé, les chasseurs de la région savent que le moment est venu pour s'adonner à leur sport favori. Dès que les olives sont mûres, fin octobre début novembre, ces oiseaux migrateurs, venant d'Europe où ils nichent, arrivent dans les oliveraies de Kabylie où ils sont assurés de trouver «gîte et couvert» pour se gaver d'olives, jusqu'au début du printemps, avant de rejoindre leurs aires de reproduction. Ces passereaux viennent par petits groupes à partir du mois d'octobre, avant de se regrouper, fin décembre, en grandes nuées dans les airs et les champs. A Thiniri, une vaste et dense forêt d'oliviers encaissée entre les communes des Ouadhias et de Boghni, les chasseurs choisissent les temps brumeux et de crachin – moment préféré par ces passereaux pour picorer les graines d'olives et remuer dans l'humus des arbres, à la recherche de vers et de jeunes pousses – pour tendre leurs pièges, dont le plus courant consiste en un dispositif formé de deux arcs de fil de fer superposés, coulissés par un ressort et écartés au moyen d'une tige de fer, destinée également à maintenir le support de l'appât. Le piège est actionné dès que l'oiseau becquette l'appât. La capture du gibier se fait également au moyen d'un nœud coulant fixé à une tige flexible d'oléastre. Toutefois, la chasse à grande échelle se fait à la glu, dont on enduit les branches d'arbres pour prendre les oiseaux qui s'y posent. Le collet, le filet, la lampe utilisée de nuit sont d'autres procédés de chasse de ces passereaux. Une fois la pose des pièges terminée, les chasseurs, agissant de préférence en petits groupes, se chargent de rabattre le gibier vers les lieux des pièges. Cette tâche terminée, ils font le guet à partir d'un promontoire pour surveiller les pièges, afin d'éviter qu'ils ne soient subtilisés par des maraudeurs, toujours à l'affût. Après un long intervalle de temps, il faut aller vérifier les pièges pour prélever le gibier pris. Il faudra également «retendre» les pièges désamorcés, en renouvelant l'appât. L'opération est renouvelée plusieurs fois dans la journée. Les pièces de gibier prises quotidiennement varient en fonction de celui des pièges tendus, mais aussi des facteurs climatiques, les oiseaux étant abondants particulièrement lorsqu'il fait froid. Toutefois, même ceux qui reviennent bredouilles ou dont la chasse n'a pas été brillante, ne se découragent jamais et n'hésitent pas à recommencer le lendemain. Celui qui a goûté à la chair de grive cuite sur braises, en redemandera et ainsi ne peut s'empêcher de repartir à la chasse, dit-on. Néanmoins, pour avoir de belles pièces, il faudra attendre que ces oiseaux migrateurs se soient suffisamment gorgés d'olives pour prendre de l'embonpoint, car ils sont très chétifs en début de saison oléicole, du fait qu'ils ont usé leur réserve durant leur longue traversée de la mer…