Descente n 21h 45. Le gros engin de Netcom amorce un petit virage avant d'entrer dans le quartier Triolet. Les quatre agents, y compris le chef d'équipe, mettent plus d'un quart d'heure pour vider une grosse niche. «Il y a plein de cartons et cela peut causer une panne au compresseur. Il faut donc faire le tri à la main», nous explique un agent. Il n'y a pas la moindre trace de plastique. «ce sont les petits gamins, revendeurs de plastique, qui se chargent de cette tâche. Ils le font, généralement, la matinée», renchérit-il. Il n'omet pas, d'ailleurs, de faire un constat presque similaire pour les tonnes de pains «récupérées par les éleveurs de bétail». Les caves des immeubles où dorment des tonnes et des tonnes d'immondices sont impénétrables. «C'est l'affaire de l'Opgi», nous dit-on. Le stationnement anarchique, compte tenu de l'absence de parkings appropriés, est, pour sa part, un problème insoluble. «Figurez-vous que des automobilistes garent carrément leurs véhicules sur des aires réservées au ramassage et sur des sacs d'ordures, ce qui complique davantage le travail de nos agents. Ils sont là pour nettoyer les lieux, pas pour jouer au chat et à la souris avec des personnes peu soucieuses de l'hygiène», fulmine le chef d'équipe, qui, souvent, pour ces raisons, a entendu des vertes et des pas mûres. Ce quartier populaire (Triolet) est surplombé par quelques bicoques de fortune nichées sur un monticule. Les engins de Netcom ne peuvent y accéder vu le relief accidenté. Les agents, eux, sont indésirables même à pied, car, comme nous l'annonce un cadre de l'Epic, «les gens des favelas refusent que l'on nettoie afin que les autorités se penchent sur leur cas et les relogent le plus rapidement possible». El-Kettar n'est pas épargné ! Le sol est jonché d'arêtes de poisson, d'épluchures de pommes de terre ou autres, d'ustensiles usagés, de pardessus usés… Pour ne pas être vu de l'entourage, tout cela est jeté généralement la nuit. De ce cimetière, proviennent des sons inhabituels. Des braiments continuels d'ânes au pelage gris, entassés en grand nombre dans une écurie qui existe depuis l'époque… ottomane. «Ces baudets sont ceux qui procèdent au ramassage des ordures dans la vieille Casbah. Ils descendent de la haute Casbah jusqu'à Zoudj Ayoun avec des tonnes d'ordures. S'ils braient beaucoup, c'est qu'ils en ont marre», estime le vieil éboueur qui nous sert de guide. Quelques mètres plus loin, l'équipe de Netcom se résigne à ramasser les ordures à la main. «Nous avons placé des bacs dans cet endroit, mais apparemment les gamins les ont volés», déplore notre interlocuteur. Le vol n'est pas propre à Bab El-Oued. Tout Alger en souffre comme l'a si bien signalé, d'ailleurs, le DG de l'Epic, M. Belalia. Invité récemment à la Chaîne I, il a déclaré que «44% des 18 000 bacs installés aux quatre coins de la capitale ont été soit volés, soit endommagés, soit réutilisés. Le préjudice subi est de l'ordre de 60 millions de dinars… de quoi payer 1 000 employés !»