Résumé de la 1re partie n Cliniquement mort et placé à la morgue, sa femme, Dona Asuncion, apprend avec frayeur que la dépouille de son mari a disparu. Ernesto, es-tu vivant ? — En voilà une question. Mais figure-toi que j'allais franchir le petit pont romain quand... Une voiture est arrivée. Le soleil. Eh bien, je ne me souviens plus de rien. Je me suis retrouvé à l'hôpital, dans une pièce sinistre où il faisait un froid de canard. Je ne sais pas pourquoi ils m'avaient mis un drap rabattu sur le nez. Et pas la moindre couverture. Je me suis levé, j'ai appelé un taxi et me voilà. Et toi, où étais-tu passée ? Quand Asuncion lui raconte ce qui est arrivé, Ernesto prend la chose du bon côté : — Ha ! ha ! La camarde a essayé de m'avoir. Mais elle a raté son coup ! Il ne faut pas croire que je vais mourir comme ça, pour un coup de soleil dans l'œil ! Quelque temps plus tard, Ernesto propose à Asuncion : — Tiens, pour fêter ma résurrection, je t'offre une soirée au théâtre. A la Granja, il y a un gala samedi prochain, une troupe de Madrid qui vient interpréter La Verbena de la paloma avec Raquel Concher en vedette... Asuncion est ravie d'assister à une zarzuela, ce style d'opérette espagnole qui réunit avec entrain musique, couplets drolatiques et costumes charmants... C'est au cours du second acte que l'incident survient. Ernesto est installé avec son épouse dans une loge d'avant-scène. Les lumières brillent et Ernesto laisse son regard se fixer sur un des cuivres de l'orchestre. Qui brille sous les projecteurs, qui brille, qui brille : — Mon Dieu, Ernesto, qu'est-ce qui t'arrive ? Asuncion n'obtient aucune réponse. Ernesto vient de glisser au bas de son fauteuil, blême, sans vie. — Il est mort, je le crains. C'est ce que déclare le médecin de service en examinant le corps d'Ernesto que les ouvreuses ont traîné dans le foyer. Cette fois, on est en plein hiver. C'est donc chez lui qu'on ramène Ernesto et on l'installe comme il convient sur le lit conjugal, les mains croisées, un rameau de buis bénit entre ses doigts raidis par la mort. Dona Asuncion revêt des vêtements de deuil et on attend le moment de la mise en bière. C'est au moment où le fabricant de cercueils vient prendre les mesures du défunt que celui se relève avec un grand soupir : — Bon Dieu, mais qu'est-ce que c'est que tout ce cinéma ? Il comprend d'un seul regard : — Ah non, ne me dites pas que je viens de mourir une fois de plus... Puis il réfléchit : — C'est bizarre, j'étais en train de rêver que j'étais dans une file de gens. Nous attendions devant une porte illuminée pour entrer. Mais, quand mon tour est arrivé, une créature lumineuse m'a fait signe que non... et je me réveille ici... Asuncion ne sait que répondre. De toute manière, elle pleure à chaudes larmes. Ernesto dit : — A propos, La Verbena de la paloma, ça t'a plu ? — Parce que tu crois que je suis restée à regarder la fin du spectacle pendant qu'on emmenait le cadavre de mon mari ? — Ah oui, c'est vrai ! J'étais mort : je n'arrive pas à me faire à l'idée. Ernesto se met pourtant à réfléchir : — J'ai eu deux fois le même problème. Deux fois, je perds connaissance et l'on me croit mort. Et les deux fois cela arrive juste au moment où une lumière particulièrement vive me vient en plein dans l'œil. Il faut absolument que je me méfie. Peut-être serait-il plus prudent que je porte des lunettes noires en permanence ? (à suivre...)