Décision n Le président Pervez Musharraf a, conformément à sa promesse, levé l'état d'urgence qu'il avait instauré au mois de novembre dernier et qui avait soulevé une vague de protestations dans le pays comme à l'étranger. Musharraf a signé le décret d'abrogation de l'état d'urgence, comme il avait promis de le faire, avant les élections législatives et provinciales du 8 janvier prochain, a annoncé ce samedi matin un porte-parole du gouvernement, ajoutant que le texte a été paraphé par le chef de l'Etat. Musharraf, qui a pris le pouvoir, il y a plus de huit ans, par un coup d'Etat militaire sans effusion de sang, avait décrété cette loi d'exception au mois de novembre dernier, mais promis, trois semaines plus tard, de la lever avant le début de la campagne officielle des élections. Il a décrété cette loi en invoquant, d'une part, la menace terroriste islamiste, bien réelle dans un pays où près de 700 personnes ont été tuées en un an dans des attentats des fondamentalistes proches d'Al-Qaîda, et l'immixtion des juges dans les prérogatives de l'Exécutif. Mais l'opposition et la communauté internationale l'ont accusé d'avoir voulu museler les avocats et les magistrats, qui menaient une contestation sans précédent à son pouvoir. Sous ce régime d'exception, les autorités avaient donc pu, hors du contrôle de la justice, arrêter plus de 5 000 opposants, évincer les plus hauts magistrats du pays qui contestaient le pouvoir de Musharraf et la légalité de sa réélection du 6 octobre dernier, et imposer aux médias une certaine censure même si celle-ci ne s'est pas vraiment révélée contraignante et efficace. Ces pouvoirs exorbitants conférés à la police et l'armée sont désormais caducs avec la levée de l'état d'urgence qui rétablit la suprématie de la Constitution, assure le gouvernement. Mais l'opposition, une frange importante de la communauté internationale ainsi que les organisations de défense des droits de l'Homme estiment que la levée de l'état d'urgence ne changera rien puisque le gouvernement a, au préalable, rendu impossible tout recours en justice contre les mesures et les amendements à la loi qui ont été promulgués sous ce régime d'exception. En particulier l'éviction des hauts magistrats hostiles au régime. Musharraf a installé, à la faveur de l'état d'urgence, un ordre judiciaire plus docile, un gouvernement intérimaire fidèle, qui remettent fortement en cause la sincérité des élections à venir, estiment l'opposition et les défenseurs des droits de l'Homme. Ces derniers assurent que les élections du mois de janvier prochain ne seront pas «libres et équitables», et continuent de réclamer le rétablissement des juges suspendus, notamment au sein de la Cour suprême, alors que le gouvernement les a définitivement mis à la retraite d'office et maintenu les plus hostiles en résidence surveillée. Cependant, cette opposition profondément divisée à l'image de ses deux leaders, les ex-Premiers ministres Benazir Bhutto et Nawaz Sharif, n'a pu s'unir derrière une menace de boycott du scrutin si l'ordre judiciaire d'avant l'état d'urgence n'était pas restauré, et les principaux mouvements ont annoncé leur participation aux élections.