L'ancien Premier ministre du Pakistan Benazir Bhutto entendait samedi maintenir la pression, au lendemain d'une brève assignation à résidence, sur le pouvoir du président Pervez Musharraf qui a promis de lever l'état d'urgence dans un mois. Pour sa première sortie depuis la levée, dans la nuit, de l'interdiction de quitter sa résidence d'Islamabad, elle devait rencontrer des responsables de la société civile, qui mène depuis une semaine dans la rue la seule véritable contestation du pouvoir militaire, et des diplomates étrangers. Elle a également promis de maintenir, malgré l'interdiction de tout rassemblement public par l'état d'urgence, une "longue marche" prévue pour mardi entre Lahore, la grande ville de l'est, et Islamabad, afin d'obtenir des assurances sur la poursuite du processus électoral. Sous la pression de la rue mais surtout de Washington, dont il est l'allié-clé dans sa "guerre contre le terrorisme" et qui est son principal bailleur de fonds, le général Musharraf , au pouvoir depuis un coup d'Etat il y a huit ans, avait annoncé jeudi que les législatives, initialement prévues pour mi-janvier, auraient lieu un mois plus tard. Mais Mme Bhutto avait immédiatement jugé cette annonce "vague" et maintenu pour vendredi un meeting de son parti dans la banlieue d'Islamabad. C'est pour empêcher sa tenue que la police l'a assignée à résidence toute la journée et bouclé hermétiquement Rawalpindi, la ville où il devait avoir lieu, invoquant principalement des "menaces très précises" pour sa sécurité et celle de ses partisans. Il y a trois semaines, l'attentat suicide le plus meurtrier de l'histoire du Pakistan avait déjà visé Mme Bhutto lors d'un rassemblement de ses partisans à Karachi (sud), faisant 139 morts, le 18 octobre. Ce jour là, Mme Bhutto rentrait au Pakistan après huit années d'exil volontaire pour échapper à des accusations de détournements de fonds publics lorsqu'elle était au pouvoir (1988-1990 et 1993-1996), à la faveur d'une amnistie décrétée par le général Musharraf. Mais mercredi, elle a opéré un revirement en appelant à manifester contre l'état d'urgence, alors qu'elle négociait depuis des mois un accord de partage du pouvoir avec lui. Ses rivaux de l'opposition, mais aussi des éditorialistes, ont ironisé samedi sur son " show " médiatique devant sa résidence la veille, où les policiers ne l'ont pas empêchée de s'adresser longuement à ses partisans devant les caméras de télévision. Les autres dirigeants de l'opposition la somment de choisir et d'annoncer "clairement" son camp. L'accord annoncé avant l'état d'urgence prévoyait que son parti soutienne M. Musharraf aux législatives en échange de quoi elle retrouverait son poste de Premier ministre. Aucune rencontre avec les dirigeants des grands partis d'opposition qui réclament, eux, le départ de M. Musharraf, n'était au programme de Bhutto samedi. Le général-président a imposé l'état d'urgence en invoquant la recrudescence sans précédent des attentats islamistes et l'ingérence de la justice dans le domaine politique. L'opposition ainsi que les capitales occidentales unanimes considèrent qu'il a trouvé là un prétexte pour s'aggripper à un pouvoir vacillant à l'approche des législatives. "L'état d'urgence sera vraisemblablement levé dans un mois", a annoncé samedi l'avocat principal du gouvernement, le procureur général Malik Mohammad Qayyum, ajoutant que ce délai est "principalement dû aux risques de troubles à l'ordre public dans certaines parties du pays". Le Pakistan vit une recrudescence sans précédent ces quatre derniers mois des attentats meurtriers perpétrés par les islamistes radicaux proches d'Al-Qaïda et des talibans, de plus en plus actifs dans le nord-ouest du pays. Dans tous les cas, Mme Bhutto a annoncé samedi qu'elle maintenait son appel à une "longue marche" mardi 13 novembre entre Lahore et Islamabad (275 km), pour exiger du pouvoir la fin de l'état d'urgence et le maintien des législatives mi-janvier.