Le Parlement pakistanais sera dissous jeudi et des élections législatives doivent se tenir avant le 9 janvier prochain, a annoncé, dimanche, le président Pervez Musharraf au cours de sa première conférence de presse depuis l'instauration de l'état d'urgence. Le président pakistanais a également promis de quitter la direction de l'armée. Finalement, Mme Bhutto aura atteint ses objectifs, elle qui n'a pas cessé de défier le président général malgré l'état d'urgence. L'ancien Premier ministre, Benazir Bhutto, a déclaré la guerre à la dictature militaire au lendemain d'une brève assignation à résidence, maintenant ainsi la pression sur le pouvoir de Musharraf qui a fini par céder, commençant par la levée de la mesure adoptée contre elle et qu'il devait par la suite expliquer comme plutôt une mesure devant assurer la sécurité de sa rivale et promettant de lever l'état d'urgence dans un mois.Mme Bhutto n'a pas cédé et a même changé de tactique, estimant ne plus avoir besoin du deal auquel elle était sur le point de parvenir avant que Musharraf décrète l'état d'urgence. L'accord annoncé avant l'état d'urgence prévoyait que son parti soutienne Musharraf en échange elle retrouverait son poste de Premier ministre aux législatives. Le président général, qui lui aussi avait changé son fusil d'épaule en estimant se passer d'un partage de pouvoir avec Mme Bhutto, s'est donc trouvé piégé. La situation s'est retournée contre lui. Son coup de force est mal passé à l'étranger, notamment aux Etats-Unis qui l'ont fortement soutenu en contrepartie de son implication dans leur croisade contre le terrorisme islamiste. Et plus encore, dans son propre pays où l'opposition n'a pas baissé les bras en dépit d'une violente répression, au nom de l'état de siège. Musharraf, qui avait sur le dos les islamistes, radicaux et soft, ses ennemis de toujours, a ligué contre lui l'opposition démocratique et des franges de la classe moyenne, tels les avocats et les juges, et même, dit-on à Islamabad, une partie de ses fidèles. Tout ce monde a applaudi à la résistance de Mme Bhutto. L'ancien Premier ministre islamiste “modéré”, que Musharraf avait débarqué et exilé à l'étranger après son coup d'Etat en 1998 estime cependant que Mme Bhutto n'en fait pas assez. Il la suspecte de ne chercher qu'à faire pression sur Musharraf pour l'amener à respecter un accord soutenu par les Occidentaux. Reste que pour sa première sortie depuis la levée, dans la nuit, de l'interdiction de quitter sa résidence d'Islamabad, elle a fait une irruption très médiatisée au milieu d'une manifestation de journalistes pour la liberté de la presse, promettant de faire tomber la dictature militaire. Puis elle s'est rendue, toujours suivie de près par des centaines de journalistes du monde entier, devant la maison de l'ex-président de la Cour suprême évincé à l'occasion de l'état d'urgence décrété par le chef de l'Etat Pervez Musharraf il y a une semaine, exigeant vainement de le rencontrer. “Il est toujours le président de la Cour suprême”, a-t-elle crié. Elle a également promis de maintenir, malgré l'interdiction de tout rassemblement public par l'état d'urgence, la longue marche prévue pour mardi entre Lahore, la grande ville de l'est, et Islamabad, afin d'obtenir des assurances sur la poursuite du processus électoral. Sous la pression de la rue mais surtout de Washington, dont il est l'allié clé dans sa guerre contre le terrorisme et qui est son principal bailleur de fonds, le général Musharraf, au pouvoir depuis un coup d'Etat il y a huit ans, a lâché du lest annonçant coup sur coup des législatives, la fin de l'état d'urgence et a juré qu'il prêtera serment pour son nouveau mandat des habits de civil. Les regards sont tournés vers la journée de mardi et l'armée dont Mme Bhutto espère un ressaisissement. D. Bouatta