InfoSoir : Pensez-vous que la nouvelle grille des salaires est à même de permettre aux travailleurs de faire face à la cherté de la vie ? O. Bouazouni : Cette augmentation des salaires est légitime et indispensable pour accompagner socialement le plan de la relance économique. Légitime parce que le pays ne cesse d'enregistrer des niveaux de croissance assez importants durant ces dernières années. Indispensable, pour permettre aux individus de subvenir à leurs besoins de plus en plus importants. Pour la position des différents syndicats, la question est de savoir quel panier de consommation ils défendent pour revendiquer une hausse de salaire permettant de l'acquérir. Surtout à ne pas astreindre ce panier aux simples besoins alimentaires. Car si nous délaissons la scolarité, la santé et les loisirs nous risquons de vivre des crises encore plus aiguës à moyen et long terme. Pensez-vous que la récente décision des pouvoirs publics de subventionner les prix de certains produits de large consommation, tels la semoule et le lait, est une solution efficace ? La subvention des produits de large consommation est une bonne chose. Ces produits sont presque inélastiques, c'est-à-dire que nous ne pouvons ni les retarder ni encore les substituer de manière permanente. En revanche, la méthode et la manière de subvention nécessitent une discussion. La première question sur la subvention est de savoir qui subventionner ? Le producteur ou le consommateur ? Si nous nous référons au programme de la relance économique, la subvention toucherait plus les consommateurs. Si la subvention est à court terme, le choc sur les équilibres économiques ne sera pas important, en revanche si la nouvelle configuration des prix des produits à subventionner est structurelle, c'est-à-dire que les prix vont rester identiques à long terme, la subvention ne profiterait à personne. L'Etat doit, dans ce cas, recourir à des investissements et devenir opérateur économique. Une fois que le marché se rééquilibrera de manière durable, l'Etat pourra vendre ces actifs de production. Le pouvoir d'achat des travailleurs ne cesse de se dégrader. Que faut-il faire, à votre avis, pour remédier à cette situation ? Pour augmenter ou garder stable le pouvoir d'achat du travailleur, différents mécanismes peuvent être utilisés. D'abord, la régulation des marchés qui est garante de la stabilité et évite les dysfonctionnements économiques. Les libertés économiques des individus sont plus assurées et protégées par les pouvoirs publics en place à savoir l'accès au travail, le niveau général des prix, etc. Ensuite, plus d'investissement pour une concurrence efficace. Les investissements, une fois réalisés, engendreront plus de marchandises et de services sur le marché, cela générerait une réduction des prix unitaires. Et par là, les travailleurs verront leur pouvoir d'achat augmenter. Ainsi, un investissement efficace dépend de deux facteurs essentiels. Le capital ou la technologie utilisée et le foncier. (*) Economiste statisticien et chercheur au Cread.