Apparence Il a les traits fins, le visage pâle, les yeux verts, les cheveux blonds et un air angélique, peut-être trompeur, car il est accusé de meurtre et de vol. Le 30 novembre dernier, Fouad, 28 ans, va enterrer, dans cette salle du tribunal d?Alger, les plus belles années de sa vie. «Vous êtes accusé d?avoir volé la victime Ali, puis de l?avoir assassinée froidement à l?arme blanche.» «Je ne voulais pas en arriver là, mais il m?a menacé avec un revolver. II a voulu appeler la police, j?ai pris peur, je ne savais pas ce que je faisais», répond l?accusé d?une voix tremblante. Le magistrat sourit avec ironie, puis lance à haute voix en fixant le public : «Le revolver n?a pas été retrouvé. Vous avez certifié ne pas l?avoir touché, on a donc affaire à un autre voleur qui est venu le dérober sur le corps de la victime ou alors cette dernier a dû l?avaler avant de trépasser !» L?avocat de la défense intervient à son tour : «Mon client a reconnu l?avoir frappée avec un couteau de poche, mais sous l?effet de la peur. Il faisait noir. La victime a dû lever la main, mon client a cru qu?elle tenait une arme, et c?est le drame.» Un court silence, puis le président revient à la charge : «Vous aviez un travail régulier et aucune personne à votre charge, alors, pourquoi ce vol ?» De nouveau le silence puis l?accusé, d?une voix à peine audible, déclare : «Je voulais acheter une voiture, c?est important de nos jours, un homme qui n?a pas de voiture n?est rien.» Le président : «Comment avez-vous su que la victime transportait une importante somme d?argent et allait emprunter avant l?aube le chemin du marché de voitures ?» L?accusé tremble, il fixe son avocat qui le rassure du regard. Le silence se prolonge, la salle retient son souffle et le président ne cache plus sa colère. Enfin, l?accusé parle : «C?est une amie, la fille que je veux épouser. C?est la nièce d?Ali, et c?est elle qui m?a parlé de son oncle. Elle m?a dit qu?il avait tellement d?argent qu?il aurait pu acheter une dizaine de voitures. J?ai pensé lui prendre l?argent d?une seule voiture, et?» Le magistrat le regarde avec ironie : «Ce n?est pas grave, seulement vous lui avez pris l?argent et la vie.» L?accusé se met alors à jurer qu?il n?avait aucune intention de tuer, qu?il voulait juste prendre l?argent, mais qu?il n?avait pas eu de chance. «C?est mon destin», conclut-il. Maintenant, Fouad laisse ses larmes couler. Tout à coup, il prend conscience de son acte et du prix à payer. La nièce est convoquée à la barre. C?est une fille simple, naïve, elle a l?air perdue. Son visage est d?une pâleur inquiétante. Le magistrat est pris de pitié. Il la ménage. Visiblement, elle n?est pas complice, elle a parlé sans savoir, sans se douter des intentions de l?homme qu?elle aimait. On la laisse regagner sa place. L?avocat de la défense insiste, dans sa plaidoirie, sur le passé irréprochable de l?accusé. Il accuse la société matérialiste : la voiture est devenue un rêve inaccessible. Résultat, son client a été poussé au vol. La mort de la victime a été un accident et non un acte prémédité. Il fait valoir, en conséquence, les circonstances atténuantes pour son client. Après délibérations, le verdict tombe : Fouad est condamné à 20 ans de prison ferme.