Idioties Fériel K., 24 ans, est debout à deux mètres du banc réservé aux couples convoqués pour la fameuse et utile audience de conciliation... Foudil Laïch, le président de la section «statut personnel», entre dans la pièce adjacente à la salle d?audiences. Zahéra Kouchid, la greffière, cheville ouvrière de la section, l?y a précédé. Il a déposé la grosse pile de dossiers. L?appel commence. Me Ouahiba Dehideh, l?avocate de Fériel K., n?est pas soucieuse. Elle jette un regard en direction du fond du couloir. «Il est ici, il est seul. N?oublie pas ce que nous avons convenu. Refuse le divorce. Accepte tout ce qu?il demandera de faire», susurre-t-elle. Fériel dit oui, l?air absent. Elle est en plein «?il du cyclone» nommé instabilité, mauvaise vie, problèmes quotidiens, déception. Elle baisse la tête. Elle a le menton carrément planté sur sa frêle poitrine. Entre-temps, le premier couple quitte la salle. Fériel pense aux premiers jours, à son cousin dont on a dit beaucoup de bien. Il occupe un poste de rêve, un poste d?autorité et donc d?abus. Seulement, il ne commet jamais de dépassements au boulot. «At home, please». Fériel continue de vivre. 1999, année de faste, de promesses creuses, de vent, de bidon, de pipeau? Il faut croire qu?à 20 ans on vit, on respire, on rêve, on va au-devant du bonheur. Sa pauvre mère, victime du virus «solidarité-brumeuse des familles», cette sacro-sainte consanguinité. 2000, c?est l?année des fiançailles officielles. 2001, c?est la fête. 2002, c?est la défaite. 2003, M. Laïch les écoute un à un. C?est Fériel qui narre la vie d?enfer. Tout en racontant, elle jette de temps à autre un ?il sur sa moitié. Glacé, le visage plus blanc que pâle, les yeux grands ouverts mais le regard éteint. Il est venu couper court cette union. «Le tribunal suit vos mésaventures. Nous en entendons tous les samedis, des vertes et des pas mûres. Qu?est-ce qui ne va pas chez vous de spécial pour en arriver là ?», questionne M. Laïch, les joues pleines et rouges, qui ne se fait pas d?illusion sur ce cas d?espèce. Le divorce abusif ! «Il m?a demandé de me baisser sur la tête de ma belle-mère qui m?a promis mon prochain départ et d?y déposer une bise», lâche-t-elle, ses yeux clairs embués d?un torrent de larmes prêtes à inonder le joli minois de Fériel, qui n?est pas surprise d?entendre son mari éclater : «Oui, tu devais le faire, tu dois le faire, tu devras le faire à chaque fois que le besoin se fera sentir.» M Laïch saisit toute la portée du différend. «Vous avez des enfants ?», s?inquiète-t-il en consultant la fiche familiale. «Non, il n?en veut pas. Il a autre chose à faire.» L?époux use de ses cordes vocales ; il tape sur le pupitre ; il menace. Le juge sourit ; il regarde l?homme pour lui rappeler du regard l?imbécile qu?il est, le chef de service dans la maison qui l?emploie n?est rien. Sa femme est sous la protection du tribunal, tout comme lui. «Madame, que demandez-vous ?», demande pour la dernière fois le magistrat. «Revenir chez moi», répond naïvement Fériel. «Et vous Monsieur ?» «En finir. Ma mère n?a même plus besoin de bises sur la tête», crache méchamment le mari. M. Kouchid prend acte. Quelque temps après, Fériel reprend son boulot de secrétaire, où elle donne des bises à ses collègues femmes. Cheh !