Les yeux verts apeurés de l'enfant frôlent l'inculpé, qui se tenait à la barre des accusés tête baissée et mains derrière le dos. Il ne semble pas s'être rendu compte de sa présence et donne plutôt l'impression d'être concentré à la contemplation du bout de ses chaussures. « N'ayez pas peur. Dites-nous seulement si vous reconnaissez cet homme comme étant celui qui vous a agressé », demande le président du tribunal en montrant l'accusé du doigt. « Oui, c'est lui », articule-t-elle d'une petite voix à peine audible, en hochant la tête, après lui avoir jeté un bref regard. Durant tout le temps de la confrontation, elle n'a pas cessé de triturer ses tresses blondes entourant son visage angélique. La fillette semblait être pressée d'en finir avec cette rude épreuve et le président le devina, « vous pouvez aller vous asseoir madame, nous aurons besoin de vous tout à l'heure », dit-il à l'adresse de la mère. Selon les faits consignés dans l'arrêt de renvoi, le 9 janvier dernier, l'enfant, A. H. Z. est âgée d'à peine huit ans et scolarisée dans une école au quartier de Zabana sur les hauteurs de la ville d'Arzew, dans la région est d'Oran, également inscrite dans une salle de gymnastique située non loin de son établissement scolaire et à quelques pas seulement du domicile familial. Le mis en cause, T. H., âgé de 40 ans, aurait longtemps épié la fillette pendant qu'elle pratiquait cette discipline sportive, selon ses propres aveux, lors de son interrogatoire par les éléments de la police judiciaire de la sûreté de daïra d'Arzew. En fait, l'accusé n'était autre que le gardien de nuit de l'établissement fréquenté par l'enfant. Il l'aurait abordé à sa sortie de l'école et aurait usé d'un subterfuge pour la convaincre de le suivre dans son cagibi, qui lui servait de lieu de repos et de vestiaire. Une fois à l'intérieur, l'accusé a bâillonné sa victime et se serait adonné à des attouchements sexuels sur elle. (Les résultats de l'expertise ont confirmé cet acte barbare). La mère a déclaré que sa fille est suivie par un psychologue pour l'aider « à surmonter la phobie des hommes depuis cette agression sexuelle ». Lors de son procès, qui s'est tenu le 23 novembre dernier, le prévenu a réfuté en bloc les griefs retenus contre lui. « Elles ont tout inventé pour me nuire. C'est une histoire montée de toutes pièces. Je suis innocent, j'ignore tout de cette affaire », martèle-t-il à la barre. « Vous avez pourtant tout avoué lors de l'instruction et vous avez même donné certaines précisions concernant votre acte qui concordent avec les déclarations de la victime », fait remarquer le juge avant de l'inviter à regagner le box des accusés. Le représentant du ministère public a mis en évidence les déclarations contradictoires de l'accusé en soulignant le traumatisme causé à la victime. Il a conclu son réquisitoire en requérant une peine de 10 années de réclusion criminelle. L'avocat de la défense a plaidé non coupable et a demandé l'acquittement pur et simple de son mandant. Au terme des délibérations, le tribunal criminel a condamné l'accusé à une peine de 6 ans de réclusion. Il importe de rappeler dans ce contexte que c'est le deuxième gardien d'une école primaire, en l'espace de quelques mois, qui a été reconnu coupable, par le tribunal criminel d'Oran, d'attouchements sexuels sur un enfant. Ce malheureux état de fait suscite la consternation et énormément d'interrogations chez les parents d'élèves à propos des critères exigés en matière de recrutement pour ce poste. En effet, le premier gardien d'école pédophile, jugé par ce même tribunal lors de la précédente session criminelle, avait des antécédents judiciaires.