Ambiance n Dans un quartier où le béton a tout dévoré, il reste quand même un bout de terre pour faire la fête. Ce n'était certes pas un Barça-Real mais durant le match fusaient sans arrêt des «olé». Ils étaient venus, ils étaient tous là pour se souvenir, comme à l'accoutumée, de ceux qui sont partis à jamais. A Haï El-Badr, petit quartier situé à équidistance entre Kouba et Bachdjarah, ce fut du beau football à la mémoire de Abderahmane Ben Yekhlef, enfant du NAHD, décédé il y a deux ans. Dix jours durant, tout le quartier vivait au rythme d'un tournoi qui a eu le mérite de rassembler petits et grands, dans une parfaite communion, avec la promesse de refaire «le coup» à chaque occasion, comme pour dire que le football est fait pour ressusciter le bon vieux temps. Dans un stade petit mais généreux à souhait, la fête était à son comble et tout le monde est reparti gai, oubliant la morosité du quotidien. Une centaine de joueurs scindés en 12 équipes de six, s'y sont donné la réplique. Parmi eux, des anciens du RCK comme Azeb, Lounes et autres Saïbi, plus chanceux, faut-il le dire, au cours de la séance des tirs au but, en finale face à l'accrocheuse équipe de «zoulous». Bien plus que du foot, l'événement se voulait, selon les organisateurs, un moyen de resserrer les liens entre les enfants du quartier. «A voir tout ce beau monde s'agglutiner dans un tout petit périmètre est, en soi, quelque chose de formidable. En fait, c'est cette union sacrée que nous recherchons à travers la mise sur pied de ce genre de manifestations sportives», dira fièrement Mohamed Kisrane, qui, l'espace d'un tournoi, a mis de côté son ardeur et sa hargne de supporter acharné du CRB pour veiller, en bon organisateur, au déroulement et à la réussite du tournoi. «Abderahmane Allah Yerahmou aurait assurément déguster cette fête. Elle a vraiment été très sympathique», reconnaîtra, ému, Ahmed Aït El-Hocine, légende du Nasria et invité d'honneur tout comme l'était d'ailleurs Nouredine Boulafaât, président de la ligue algéroise de football (LAF). Connu, naguère pour ses terrains vagues où l'on apprenait à un âge précoce, les rudiments du dribble, aux côtés des Serins qui écument les Chardons, le quartier anciennement appelé Lotissement Michel, 50 000 âmes, est outrageusement envahi de toute part par le béton. Un quartier qui, outre cette invasion, court, comme d'autres coins du pays, le risque de la propagation de la drogue et d'autres formes de vices, surtout lorsqu'on sait que les deux tiers de la population sont composés de jeunes dont l'âge ne dépasse guère la trentaine. «Ce genre de manifestation nous permet d'inculquer les vraies valeurs du sport en général aux générations futures et de les empêcher, du coup, de tomber dans les affres de la drogue» renchérit pour sa part, Merzak Kaddache, membre actif à l'association locale El Amel. Mais fort heureusement, cette avalanche de béton n'a pas tout dévoré. Elle a épargné, se réjouit-on, un lopin de terre où, comme dans un Maracana «miniature», les enfants regardent leurs pères jouer avec des maillots sur lesquels on n'a pas besoin de greffer un écusson.