Les Algériens d'Europe se sont donné rendez-vous dans la ville allemande de Furth, au Playmobile Stadium. Non pas pour une quelconque fête, encore moins pour une twiza, dans l'intérêt général. Le motif est tout simple, l'équipe nationale de football y jouait hier son dernier match de préparation pour la Coupe du monde contre les Emirats arabes unis. Les fans des Verts sont venus de partout d'Europe : d'Angleterre, de Suède, de France, de Suisse, d'Italie... Le déferlement algérien sur la terre allemande a même dépassé les confins de l'Europe. Ils sont en effet également venus des Etats-Unis et du Canada. Dès les premières heures de la matinée, les klaxons des voitures, immatriculées dans différentes villes du Vieux Continent, commençaient à fuser, réveillant les Allemands de leur sommeil dominical. À coups de tambours et de trompettes, les fans des Verts créent au fil des heures une ambiance colorée bien de chez nous. En l'espace de quelques instants, Furth s'est parée aux couleurs de l'Algérie. Les oriflammes, aux couleurs vert, blanc, rouge, ornent rapidement les artères naguère discrètes de Furth. Partout où vous allez, vous croisez des Algériens emmitouflés dans le drapeau national scandant la gloire du pays. “Je suis venu de Paris, j'ai roulé toute la nuit pour pouvoir être là aujourd'hui avec les miens. Vous savez, quand vous vivez en Europe, vous avez le mal du pays, et cette équipe nous rapproche beaucoup du pays. C'est comme si l'on faisait une virée au bled, ça ressource”, nous dit un Algérien émigré avant d'éclater en sanglots. “Cela fait 32 ans que je n'ai pas remis les pieds au bled, je ne vous dirai pas pourquoi, mais j'ai tellement envie de revoir mon pays. Tout à l'heure, sur la route, j'ai croisé des gars de mon pays qui écoutaient les chants de l'EN. J'ai eu la chair de poule. Je ne pouvais pas m'empêcher de pleurer, c'est plus fort que moi. Le bled me manque tellement”, ajoute-t-il. “Je crois que je vais arrêter de pleurer là, il faut tout de même que je fasse la fête avec nos joueurs, ils nous rendent tellement fiers ces gars-là ! Ce sont des braves. Au Soudan, ils nous ont rendu tellement fiers”, enchaîne-t-il. Un copain vient ensuite le consoler : “T'inquiète pas, on va faire la fête ce soir, l'Algérie c'est dans le cœur et un jour ou l'autre, incha'Allah, nous irons prier à Bab El-Oued.” Une communauté qui a le mal du pays et qui se retrouve l'instant d'un match de football de l'EN, fut-il en Allemagne, dans un vieux bourg de rase campagne. Ces Algériens qu'on appelle les beurs connaissent par cœur les chants de l'EN, récitent à tue-tête Kassamen et parlent la langue nationale comme il se doit. D'ailleurs, en les entendant chanter, on se croirait facilement dans un stade en Algérie. Ils savent parfaitement transposer cette fête made in Algeria dans n'importe quelle contrée du monde. “C'est une sorte de communion pour nous. On se retrouve et on se construit notre Algérie à nous. C'est pas tout à fait la même chose, mais vous arrivez tout de même à sentir les senteurs du pays.” La dernière défaite contre l'Irlande à Dublin, dans un stade archicomble, n'a pas refroidi les Algériens d'Europe. Ils étaient certes déçus, mais c'était loin de les décourager pour revenir de nouveau pour voir les leurs. “C'est vrai, nous avons été un peu déçus, mais il faut savoir que cette équipe représente plus qu'une simple équipe de football. C'est beaucoup plus que cela, c'est le signe de notre attachement à notre terre natale et surtout le refus de fondre dans le moule de l'Occident. Le fait de suivre l'équipe partout où elle va, c'est une façon pour nous de décliner notre identité. Notre personnalité. C'est beaucoup plus important qu'un simple résultat de football”, confie un autre fan des Verts. Au début de l'après-midi, les alentours du stade commencent à grouiller de monde. Cela donne un aperçu sur le nombre de supporters qui seront présents au stade. “Eh bien, comme à Dublin, les Algériens vont remplir le stade. C'est normal, nous sommes si nombreux en Europe.” 16h30, les portes du stade s'ouvrent. Le stade est effectivement vite rempli. En l'espace de quelques minutes, l'enceinte Playmobile est truffée d'Algériens. Pas une seule place de libre, les 15 000 supporters promis pour le dernier match de l'EN avant le Mondial sont là. Ils sont même beaucoup à suivre les débats debout. La gent féminine était bien représentée au stade hier. Beaucoup sont venus en famille. “J'ai suivi mon mari ici en Allemagne, nous sommes venus d'Italie. Je ne voulais pas rater l'événement, et c'est la première fois que j'assiste à un match de football. C'est vrai que chez nous en Algérie, on ne peut pas le faire, mais, ici, j'en profite, surtout qu'il s'agit de l'équipe de mon pays”, dit une nouvelle fan des Verts. L'arrivée des Verts au stade crée un brouhaha indescriptible. C'est la course vers le bus de l'EN. Le service d'ordre est dépassé. Les joueurs ont du mal à pénétrer dans les vestiaires. La presse a du mal à travailler. Il aura fallu du temps et de la patience pour calmer tout le monde et surtout permettre aux joueurs de se concentrer sur leur match. Dans le stade, la cacophonie continue. Les envahissements se répètent à satiété. Là aussi, les vigiles allemands ont du mal à contenir la fougue algérienne. Kader Berdja, responsable à la FAF, a dû intervenir pour avertir les supporters que si les envahissements de terrain ne s'arrêtaient pas, l'arbitre arrêterait la partie et, du coup, la FAF s'exposerait aux sanctions de la FIFA. Le public comprend. Le calme revient. Les Allemands se mettent aussi de la partie pour tenter de calmer les esprits dans un français catastrophique et à peine audible. Cependant, la ferveur est toujours là, notamment lors de l'entrée des Verts pour l'échauffement. C'est l'explosion de joie. La défaite de l'Irlande, c'est déjà un vieux, très vieux souvenir. On vous l'a dit, l'EN, c'est beaucoup plus qu'une équipe de football. C'est la passion pour tout un pays ! Hier, les Verts ont eu des encouragements à la hauteur avant le départ pour l'Afrique du Sud. Beaucoup ont promis de se rendre au Mondial pour soutenir l'EN. “Nous serons tout aussi nombreux en Afrique du Sud. Ils peuvent compter sur nous, les Algériens seront présents en force au pays de Mandela, c'est un événement historique pour le pays”, nous dit un supporter qui affirme qu'il prend l'avion aujourd'hui pour l'Afrique du Sud. “Je serai à l'accueil des Verts, promis”, conclut-il. Que cela soit en Algérie, en Europe ou en Afrique du Sud, la fièvre des Verts va encore perdurer. Cette période sera palpitante pour les Algériens. Les Verts seront-ils au rendez-vous de l'histoire ? Début de réponse le 13 juin déjà contre la Slovénie.