Il était une fois une pauvre orpheline. Sa mère était morte et sa belle-mère la détestait. Elle la maltraitait et lui donnait à exécuter les travaux les plus pénibles et les plus dégradants. La jeune fille se levait à l'aube pour nettoyer la zriba (enclos) des moutons et des chèvres et les écuries. Ensuite, après les tâches ménagères, la préparation de la semoule du pain, la traite des brebis et le travail de la laine, sa belle-mère lui demandait de garder les ânes dans les champs. Et comme elle n'avait plus de quoi se vêtir, la marâtre lui imposa de porter la peau d'un vieil âne qui venait de mourir. Voilà pourquoi elle fut appelée Peau d'Âne. La fillette obéissait sans protester. Un jour elle finit par décider : — Je suis bien trop malheureuse depuis la mort de ma mère, je vais quitter ce pays. Je n'ai plus rien à perdre. Et elle s'en alla et marcha, marcha... Elle entra dans un pays, sortit d'un autre pays, entra dans un pays, sortit d'un autre pays... Elle erra de pays en pays, de contrée en contrée, de région en région, mendiant son pain jusqu'au moment où elle traversa une plaine étrange et s'engagea sur un sentier isolé. Elle évitait de se montrer car souvent les gens la chassaient et les enfants lui lançaient des pierres en criant : «Peau d'Âne ! Peau d'Âne !» Tout en avançant sur ce chemin, elle remarqua un petit trou garni de trois pierres formant un kanoun. Par respect pour ce qui aurait pu constituer un âtre, la jeune fille contourna les trois pierres en passant sur les épines et continua sa route. À peine avait-elle fait quelques pas qu'elle entendit une voix : — Hé ! Toi qui n'as pas détruit mon âtre et n'as pas cassé mon tagine, dis-moi : fais-tu partie du monde des vivants ou fais-tu partie du monde des morts sous ta peau d'âne ? Peau d'Âne se retourna et vit une femme entourée de ses enfants près d'un feu sur lequel cuisait du pain dans un tagine en argile. Elle fut bien étonnée car cette femme et ces enfants n'étaient point là lorsqu'elle avait contourné l'endroit. Elle comprit vite qu'elle était en présence d'une Djennia, un être surnaturel du monde invisible capable de se rendre visible lorsqu'il l'estimait utile. Courageuse, elle répondit : — Honorable femme ! Il fut un temps où je me considérais du monde des vivants, mais, depuis la disparition de ma mère, j'estime que je fais partie du monde des morts. — Viens ma fille ! Ne crains rien, je ne te ferai aucun mal. (à suivre...)