Conséquences n L'oisiveté est mère de tous les vices, dit le proverbe, une réalité bien vérifiée dans ce quartier bidonville de Saliba, où outre la délinquance et l'agressivité, d'autres phénomènes ont fait leur apparition. Les habitants de ce quartier venus des quatre coins de l'Algérie parlent du régionalisme que les natifs de Oued Smar leur font sentir. Cette situation a créé une méfiance de la part des habitants de Saliba envers les gens de Oued Smar. Ici, des regards curieux accompagnent toute personne étrangère au quartier. «Chez nous, les étrangers ne sont pas les bienvenus », nous déclare un jeune «barbu» habitant le quartier. Ici apparemment, même les habitants de la cité (quartiers urbains) sont regardés «de travers» dès qu'ils pénètrent dans ce bidonville. Les teenagers du «secteur», comme ils aiment appeler leur bidonville, s'attroupent dans les trois accès principaux du bidonville «comme pour, justement, dissuader les intrus de s'y aventurer», témoigne un jeune serveur dans un café qui fait face au quartier à une quarantaine de mètres. Adoptant un style vestimentaire branché, question de prouver leur assimilation, ces jeunes sont souvent trahis par leur accent, ils veulent prouver leur attachement à leur quartier et montrer leur fierté. «Ya khou, ici c'est la horma (honneur). Certains intrus, pensant que les filles ou les femmes de notre quartier – poussées par la pauvreté et le besoin – sont de mœurs légères, essayent de s'infiltrer dans le quartier. Ils se trompent et gare à celui qui oserait s'y aventurer...» avertit un jeune qui, même en s'efforçant de prendre un accent local, n'arrive pas à se défaire de son accent d'origine. Renseignement pris, Dahmane, 23 ans est originaire de Médéa, d'où il est venu, il y a 12 ans. «Je suis un (guebli), nom donné aux habitants de la région intérieure du pays ( Médéa, Djelfa, Chlef, Aïn Defla…) et j'en suis fier. C'est la misère et le terrorisme qui m'ont amené ici, mais je reste fidèle à ma culture, à mes origines et ma région. Et puis d'abord, je n'arrive pas à comprendre l'attitude des gens d'ici pour qui nous sommes des envahisseurs. Nous sommes tous des Algériens et nous avons le droit d'habiter là où nous le voulons», dit-il. Son ami, âgé de 18 ans, précise : «Pour nous, la femme ne sort jamais sauf pour une nécessité ou une urgence…». Mais pourquoi ce jugement et cette attitude envers ce que les habitants de ce quartier appellent «les gens d'ici» ? «Pour eux, nous ne sommes pas les bienvenus. Nous ressentons un certain rejet et une certaine xénophobie, sommes-nous des juifs ?», se plaint un jeune moustachu venu rejoindre son frère qui habite ici depuis 4 ans. Pour Aïssa, 33 ans marié et père de 3 enfants, les gens d'ici sont régionalistes et refusent de nous faire travailler. Notre seul créneau c'est le travail de la terre ou le bâtiment. Il est rare de trouver un jeune du quartier qui travaille dans une pizzeria ou un magasin par exemple», précise Aïssa, originaire de Aïn Defla qui travaille dans un chantier à Bab Ezzouar. Les habitants de Oued Smar, nient toutes ces accusations et disent que les habitants de Saliba ont des préjugés sur eux. «Nous sommes tous des Algériens et donc des frères. Pourquoi détesterais-je un Algérien qui vient du Sud, de l'Est ou de l'Ouest ? Pour le travail, c'est tout le monde qui est au chômage et il faut bien reconnaître qu'il faut d'abord faire travailler les enfants du patelin en priorité car ils connaissent leur métier...», affirme Samir, propriétaire d'un grand café moderne situé en face du bidonville de Saliba. Ces «rivalités» entre les natifs de Oued Smar et les «arrivistes» font que parfois, des bagarres éclatent entre les deux clans, et c'est souvent une question de femme ou d'accent ! «Certains habitants de la ville provoquent les filles du bidonville et c'est tout le quartier qui est en ébullition. Quelquefois c'est à cause d'un malentendu culturel entre les jeunes du bidonville et les habitants de la cité...», souligne le propriétaire d'un garage de mécanique à proximité du bidonville Saliba.