Musique n La scène musicale algérienne a connu, dans les années 1990, notamment tout au début, une ouverture extraordinaire sur ce qui se faisait sous d'autres cieux. Les formations musicales, qui ont vu le jour, se sont multipliées dans différents domaines comme le rap, le rock et ses variantes, et même le flamenco. Autant d'influences de sonorités que de goûts pour le métissage culturel. Il se trouve cependant que ce champ commence, depuis quelques années, à se rétrécir. Rares sont les groupes qui ont survécu aux aléas du temps. Les groupes de rap, à l'exemple de Intik ou MBS, ou encore les groupes de rocks comme Index ou Litham ont disparu de la scène. En flamenco, l'on assistait à la naissance de groupes comme Mediterranéo, Flamenco, Triana d'Alger ou encore Mauresco… Mais de ces formations, une seule a traversé le temps et continue, aujourd'hui, à faire parler d'elle. Ainsi, Triana d'Alger a su marquer et préserver sa présence sur scène jusqu'à avoir une renommée nationale. «Morena – brune en espagnol – en est témoin. Cet album, récemment sorti aux éditions Belda, vient marquer 15 ans d'existence, mais aussi le travail et la persévérance par lesquels le groupe s'est distingué.» S'exprimant sur cette longévité inespérée, Mehdi, leader du groupe, dit : «On la doit à cet entourage et au soutien que le public nous a prodigués et apportés, il nous a suivis tout au long de nos différentes scènes ici à Alger comme ailleurs dans les wilayas du pays. Là où nous allons nous sommes agréablement accueillis. Le public s'est – et se montre – toujours réceptif à notre musique» «C'est aussi parce qu'on est un groupe qui cultive l'esprit d'entente, de compréhension et de partage.» Ce succès, le Triana d'Alger le doit à cet esprit de groupe que les autres, peut-être, n'avaient pas, et c'est ce qui expliquerait leur disparition de la scène – chose d'ailleurs courante dans le domaine musical. Interrogé sur le choix du flamenco, Mehdi a expliqué : «C'est par passion.» Et de poursuivre : «Cette passion, on la retrouve même dans le nom porté par le groupe. Triana est un quartier à Séville, foyer du flamenco. Le choix du nom du groupe explique alors le choix porté sur le flamenco.» Mais aussi parce que le flamenco est une musique qui tire ses racines d'une Andalousie, autrefois musulmane, ayant connu un foisonnement d'idées et un essor culturel sans précédent dans le monde arabe ; c'est donc une musique qui est proche de l'ouïe algérienne, puisqu'il y a résurgence d'une histoire et d'une mémoire culturelle partagée entre l'Algérie et l'Espagne. «C'est aussi parce que le flamenco auquel je m'identifie répond à mes attentes artistiques et par lequel j'arrive à exprimer ma sensibilité», a-t-il encore expliqué, soulignant aussitôt «l'exaltation ressentie lorsque je tiens la guitare et en joue ou quand je crée des morceaux.» l Soutenu par Chico, fondateur de Gipsy king et de Chico and Gipsy, le Triana d'Alger a su tirer profit des conseils prodigués par le leader du groupe. «Chico est mon oncle, et depuis notre création, en 1993, il n'a cessé de nous soutenir et nous donner des conseils pour évoluer dans le domaine musical, il est notre parrain», a-t-il précisé. Et de relever : «C'est d'ailleurs lui qui nous a conseillés de faire des chansons algériennes inspirées du flamenco.» Manifestement, le groupe, à ses débuts, reprenait des compositions notamment celles de Gipsy, mais avec le temps et surtout l'expérience cumulée au fil de sa carrière, le groupe a pris conscience de l'importance de laisser son empreinte dans le terroir algérien et, du coup, adapter sa musique aux besoins du public algérien, en créant ses propres compositions. Son dernier album, Morena, illustre distinctement et indéniablement ce double souci de, d'une part, puiser dans le patrimoine local, et, d'autre part, conjuguer l'inspiration algérienne au flamenco. L'album se veut un creuset d'influences de sons et d'accents issus de tout bord : à l'origine, il y a le flamenco qui se mêle au chaâbi et au raï. Le tout s'associe dans une harmonie recherchée, un équilibre ajusté grâce au jeu des instruments : ney, bendir, tar, mandole, guitare…Un choix distinct et approprié venant rendre visible ce beau métissage musical.