Clivages n L'origine sociale, le niveau intellectuel, le comportement et la situation matérielle des habitants déterminent la limitation des «territoires». Les plus exposés au rejet sont, bien entendu, les ruraux. Trois types de population habitent la périphérie. Il y a d'abord les «autochtones», c'est-à-dire les descendants des habitants des premiers faubourgs créés autour des villes du temps de la présence coloniale. Cette catégorie est, cependant, très peu représentée, le gros des habitants étant constitué des ruraux qui ont déserté leurs douars à la recherche de la sécurité ou du travail ainsi que des citadins qui ont été contraints de quitter le centre-ville car ne pouvant plus faire face à la cherté excessive de l'immobilier et du foncier. Ces derniers sont, généralement, issus de la classe moyenne (médecins, enseignants, cadres moyens…), expliquent les intervenants à un séminaire organisé en février au département de sociologie de Bouzaréah et consacré à la question. Venus des différents pays du Maghreb, des chercheurs ont tenté de décortiquer les origines du phénomène et surtout les comportements de chaque groupe social en périphérie pour conclure à une «territorialité» qui prédomine dans la quasi-totalité des nouvelles villes. Par territorialité, les sociologues désignent la création de territoires propres à chaque groupe de population dans le même quartier. Cet état de fait laisse déduire une forme de rejet ou, du moins, un refus de franchir le pas vers une intégration intégrale. Cette territorialité est aisément perceptible, explique Mohamed Madani, de l'USTO. L'origine sociale, le niveau intellectuel, le comportement et la situation matérielle des habitants déterminent la limitation de ces territoires. Les plus exposés au rejet sont, bien entendu, les ruraux. Ceux-là mêmes qui n'ont pas hésité à quitter leurs douars d'origine et à s'installer en ville, la «ruralité» étant «un acte subi», pour reprendre l'expression du sociologue tunisien Lamine Réda. Ce qui complique davantage les choses c'est le fait qu'il n'est pas impossible que le rural, qui arrive tout droit d'un douar reculé, trouve comme voisin immédiat un authentique citadin qui a grandi au cœur même d'une grande ville. La cohabitation est souvent difficile. Les citadins qui sont, comme indiqué précédemment, des cadres moyens, donc ayant un niveau intellectuel relativement élevé, en sus de leur «citadinité», créent alors leurs propres espaces. Ils fréquentent les mêmes cafés, les mêmes espaces publics, s'échangent des visites et, plus grave, envoient leurs enfants dans la même école, quand cela est possible, bien entendu. N'ayant pas trop le choix, les ruraux en font de même. «Il faut toute une génération pour que les clivages se disloquent», estime M. Madani. Au bout d'une génération, une vingtaine d'années environ, les gens commencent à cesser d'accabler les nouveaux venus des qualificatifs d'«intrus», d'«arrivistes» et autres… La situation peut aller cependant au-delà d'une génération, parfois moins, le niveau intellectuel et la situation matérielle entrant, encore une fois, en jeu : un médecin venu du sud du pays a plus de chances de se faire accepter par ses «collègues» de la capitale qu'un paysan venu, comme lui, d'une contrée lointaine…