Réflexion n Le monde arabe reste une attraction pour l'Occident qui lui porte un intérêt particulier. Il suscite autant de curiosité intellectuelle et culturelle que de convoitises économiques et politiques. Le monde arabe se révèle effectivement un enjeu stratégique pour les Occidentaux. «Hier la Grande-Bretagne et la France ; aujourd'hui les Etats-Unis d'Amérique en occupant l'Irak», écrit Antoine Sfeir, journaliste et enseignant en relations internationales, dans Vers l'Orient compliqué, paru aux éditions Sedia. Connu pour être un spécialiste du Proche-Orient et fondateur, en 1985, de la revue Les Cahiers de l'Orient qu'il dirige, Antoine Sfeir, auteur d'essais, cherche à expliquer les raisons pour lesquelles les Etats-Unis cultivent leur présence en Moyen-Orient. Il revient, pour cela, aux origines des Etats nations du Moyen-Orient, c'est-à-dire vers la fin du XIXe siècle. À cette époque, on pouvait assister au développement de la colonisation occidentale partout dans le monde, notamment dans le monde arabe. Le déclin de l'Empire ottoman a favorisé la colonisation, en raison de son impuissance de suivre «le rythme effréné des puissances occidentales en termes de modernité sociale». Au XIXe siècle, les puissances occidentales se partageaient alors le monde arabe, traçant de nouvelles frontières et créant, en conséquence, des Etats – «à ce morcellement, écrit Antoine Sfeir, vint s'ajouter la confiscation d'un petit territoire, en Palestine, visant à permettre l'installation de juifs victimes en Occident d'un féroce antisémitisme» – qui, plus tard, accèdent, à l'ère de la décolonisation, à l'indépendance. Au Moyen-Orient, la présence des puissances occidentales (la France et la Grande-Bretagne) commence cependant à s'affaiblir notamment au lendemain de la Première Guerre mondiale. Ainsi, la voie s'ouvrait pour les États-Unis – une superpuissance naissante. Mais il faut attendre la fin de la Seconde Guerre mondiale pour que l'Amérique entre en scène et prenne conscience de l'intérêt du Moyen-Orient. Cet intérêt continue toujours – notamment avec le 11 septembre – de justifier les attitudes ainsi que les agissements des Etats-Unis au Proche-Orient. Antoine Sfeir explique, ensuite, que les Etats-Unis d'Amérique deviennent «un acteur clé du Moyen-Orient», ajoutant : «Guerre froide, intérêts pétroliers, alliances stratégiques – tout ceci explique donc en partie l'importance et la longue histoire de la présence américaine dans la région.» Et de poursuivre sa réflexion : «Mais c'est surtout dans la relation avec Israël que le poids des Etats-Unis se fait sentir.» l Les Etats-Unis tendent à soutenir Israël – une alliance qui n'a cessé de se renforcer au fil du temps – en contribuant fortement à son existence. D'où, en effet, le projet de «Grand Moyen-Orient». Les enjeux géopolitiques – le facteur pétrolier inclus également – expliquent indéniablement l'intérêt qu'ils portent sur le Moyen-Orient. Cela suppose la nécessité de retracer les frontières, de remodeler toute la région en créant, selon son imaginaire politique, celui des Etats-Unis – comme cela a été fait, au XIXe siècle, avec le mandat français et britannique – des petits Etats. Ces Etats seraient fondés sur une appartenance communautaire, donc ethnique, et qui auraient pour gendarmes Israël et les forces américaines placées en Irak. Vers l'Orient compliqué offre une lecture intéressante, pertinente et méthodologique de ce qui est actuellement le monde arabe. Cette actualité sensible et complexe s'avère aussi alarmante et dangereuse pour l'avenir des pays de cette région et notamment pour les populations. Car un tel projet, une menace et un cauchemar, susciterait manifestement le chaos dans toute la région : guerres, conflits, déplacement et exode, terrorisme… L'embrasement serait assuré.