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Noam Chomsky, le tiers-mondiste : dure liberté… quand on rame à contre-courant
L'écrivain, philosophe et militant a toujours refusé d'être l'homme d'un camp autre que celui de la justice et de la vérité
Publié dans La Tribune le 22 - 05 - 2008

«Si nous avions un vrai système d'éducation, on y donnerait des cours d'autodéfense intellectuelle», dit Noam Chomsky.
Longtemps occulté par les grands médias occidentaux, français en particulier, suite à l'affaire Robert Faurisson (voir plus loin), Noam Chomsky qui a toujours refusé d'être l'homme d'un camp autre que celui de la justice et de la vérité, est devenu malgré tout une véritable école ou plutôt l'ÉCOLE du militantisme mondial en faveur d'un meilleur monde pour tous. Eminent professeur qui a transformé la linguistique, Noam Chomsky enseigne au Massachusetts Institute of Technology. Il est également philosophe et brillant analyste politique sur la scène internationale. Ses nombreux ouvrages, réflexions et autres actions sur le terrain, font de lui à la fois, un observateur des mieux informés sur les affaires du monde et un implacable critique de la politique étrangère américaine, voire occidentale, qu'il associe à une entreprise de prédation. Noam Chomsky est incontestablement l'un des plus grands intellectuels de notre temps.
Lutter contre la plus puissante «fabrique du consentement»
Pour qui connaît l'homme, il sait combien il lui a fallu ramer dur pour que son message parvienne à destination. Mission accomplie. La forteresse de la francophonie, où son nom n'était pas le bienvenu depuis les années 1980, s'est effritée, permettant peu à peu à des millions de lecteurs qui s'abreuvent à cette source de découvrir ce brillant esprit, vraiment hors du commun, autant par sa capacité de production intellectuelle, que par son engagement inébranlable contre l'oppression et l'injustice causées par l'idéologie impérialiste dans les pays du tiers-monde, considérés comme un simple réservoir de ressources naturelles. Et aujourd'hui, par le biais de la mondialisation, ces pays doivent également servir de marché aux produits des multinationales au détriment de la production nationale, et donc de l'intérêt des populations de ces pays.
Une situation fortement dénoncée par Noam Chomsky dans ses analyses des relations Nord-Sud. L'on se réjouit d'autant plus que l'un de ses livres phares Dominer le monde ou sauver la planète ? L'Amérique en quête d'hégémonie ait fait l'objet d'une attention particulière à l'Assemblée générale des Nations unies quand le non moins illustre président vénézuélien Hugo Chavez l'a brandi en invitant les Américains «à le lire plutôt que de regarder Superman». Une façon aussi d'inviter le monde à lire Chomsky pour faire barrage à l'empire américain et ses alliés. Un message clair à tous qui ceux qui s'accommodent du discours médiatique occidental, «cette fabrique du consentement» vantant la liberté et la démocratie attachée à la mondialisation. Ceux qui soutiennent que l'impérialisme n'est qu'une vue de l'esprit et que l'ouverture au marché dans sa forme actuelle est synonyme de progrès, de justice et de prospérité trompent les gens. L'impérialisme n'est pas révolu. Il n'est pas démodé. C'est une idéologie de domination qui dispose d'une puissante machine de propagande pouvant à la fois produire des illusions irrésistibles et s'inventer le «cheval de Troie» le plus approprié aux circonstances. Le démantèlement des mécanismes de cette puissante machine, qui «fabrique le consentement» à l'échelle de la planète, est au cœur de l'œuvre de Noam Chomsky. On comprend dès lors la grande adversité avec laquelle il a fallu composer pour y parvenir.
Dans sa préface du livre Tuer l'espoir de Norman Finkelstein, Jean Bricmont, physicien et essayiste belge, a voulu illustrer cette adversité en reprenant les propos révélateurs de l'écrivaine et militante indienne Arundhati Roy. Ils disent fort bien l'énormité de cette «fabrique du consentement» contre laquelle doivent effectivement lutter les intellectuels qui ont choisi de servir la vérité et la justice dans le monde : «Quand j'ai commencé à lire Chomsky, je me suis dit que son déploiement d'arguments, leur quantité, leur implacabilité, étaient un peu, comment dire, insensés. Un quart des arguments qu'il avait amassés aurait suffi à me convaincre. J'avais l'habitude de me demander pourquoi il devait tant travailler. Mais maintenant je comprends que l'amplitude et l'intensité du travail de Chomsky sont un baromètre de l'amplitude, de l'étendue et de l'implacabilité de la machine de propagande à laquelle il fait face.» Cela répond également à la question fondamentale que doivent se poser beaucoup de lecteurs de Noam Chomsky et que le professeur et écrivain québécois Normand Baillargeon pose en ces termes : «Comment est-ce possible que tant de choses aussi importantes, voire bouleversantes, ne soient pas plus connues et discutées ?» On pourrait également poser la question de Jean Ziegler : «Comment les maîtres de l'univers parviennent-ils à se maintenir, alors que l'immoralité qui les guide et le cynisme qui les inspire ne font de doute pour personne ? Où réside le secret de leur séduction et de leur pouvoir ?» C'est précisément le rôle fondamental de cette machine de propagande, véritable rempart qui sépare les dominants des dominés, les bourreaux de leurs victimes. Son rayon d'action ne s'inscrit pas dans des limites géographiques locales, pays ou région, mais s'étend à l'échelle de la planète. Et c'est justement sur le terrain de cette démesure hégémonique états-unienne que s'exprime l'indignation de ces intellectuels à contre-courant, dont Noam Chomsky est le digne porte-étendard.
Qui est Noam Chomsky ?
Né à Philadelphie en 1928 dans une famille juive, Avram Noam Chomsky a consacré toutes ses énergies à dénoncer la violence exercée par les États-Unis en particulier, et l'Occident de façon générale, pour domestiquer la planète en fonction de leurs intérêts égoïstes. Avec à son actif, un bilan de près d'un demi-siècle de lutte et de militantisme pour un monde plus juste, quelque 80 ouvrages, des milliers d'articles, autant de conférences, entrevues, etc., l'œuvre de Noam Chomsky est une mine considérable de ressources pour les militants du monde entier. «Dans un monde où des cohortes d'intellectuels disciplinés et de médias asservis servent de prêtrise séculière aux puissants, lire Chomsky représente un acte d'autodéfense. Il peut permettre d'éviter les fausses évidences et les indignations sélectives du discours dominant.» Ce n'est donc pas aux seuls militants que s'adresse l'intellectuel, mais à toute personne soucieuse de donner un sens à la vie. Comment est-ce possible de voir tant de richesse et tant de misère se côtoyer sans qu'intervienne l'indignation humaine ? Comment les grandes puissances jugent-elles la vie humaine ? Comment leurs institutions d'exploitation et de domination que sont le FMI et la Banque mondiale, «les pompiers pyromanes» pour reprendre l'expression de Jean Ziegler, évaluent-elles la vie des peuples dans leurs stratégies capitalistes ? Tout cela, et bien plus, est clairement énoncé avec des mots simples et un langage accessible par un intellectuel dont le principal souci est de vulgariser ses connaissances du monde. «Je pense que ce qui est compris du monde peut être dit avec des mots simples […] L'essentiel de la réflexion politique est basé sur l'espoir et l'intuition, pas sur un savoir.» De là, peut-être, son génie. Il ne s'est jamais placé au-dessus de la «mêlée». Ceux qui le connaissent parlent de sa grande générosité. «Son engagement […] s'est toujours caractérisé par le souci de parler non pas aux intellectuels, aux puissants, ou à ceux qu'Adam Smith appelait déjà les ‘'Maîtres'', mais aux gens ordinaires.»
Dans Entretiens avec Chomsky#, le professeur québécois Normand Baillargeon cite un palmarès dressé il y a quelques années qui concluait que «dans les domaines des humanités, des sciences humaines et sociales, les 10 auteurs les plus cités étaient Marx, Lénine, Shakespeare, Aristote, la Bible, Platon, Freud… et Noam Chomsky, seule personne vivante sur cette liste […]» Dans la même veine, Noam Chomsky a été élu, en 2005, par les lecteurs du magazine britannique Prospect «plus grand intellectuel vivant». D'où le commentaire de Jean Brickmont : «Il est un peu, à l'échelle du monde, ce que Jean-Paul Sartre fut à la France des décennies 1950 et 1960 : une référence en matière de pensée critique, de lucidité engagée et de militantisme politique.» Pourtant, après la sentence d'antisémite prononcée contre lui dans les années 1980 par quelques intellectuels français, défenseurs du sionisme, le penseur a fait l'objet d'une campagne de discrédit qui l'a exclu du paysage français. On a reproché à Noam Chomsky d'avoir signé une pétition en faveur de la liberté d'expression au profit du professeur Faurisson accusé de négationnisme. Bien qu'il se soit défendu de partager les opinions de l'incriminé, Noam Chomsky s'est montré intraitable sur ses principes pour la liberté d'expression. Il a assumé sa décision et signé avec la devise de Voltaire : «Je ne suis pas d'accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu'au bout pour que vous puissiez le dire.»
Cette première confrontation s'accentuera dans le temps au fur et à mesure que le militantisme politique de Noam Chomsky s'emploie à remettre en cause la légitimité du discours occidental dominant. Le dernier en date concerne la Chine qui est présentée comme la nouvelle menace planant sur le monde. Lequel monde ? On ne le dira pas. Écoutons Noam Chomsky sur cette question : «[…] Si on lit la dernière “National Security Strategy”, la Chine est identifiée comme la principale menace à long terme pour les Etats-Unis. Ce n'est pas parce que la Chine va envahir ou attaquer qui que ce soit. En fait, de toutes les importantes puissances nucléaires, elle est celle qui est la moins agressive, mais elle refuse tout simplement de se laisser intimider, pas seulement pour sa politique concernant le Moyen-Orient, mais aussi en Amérique latine. Alors que les Etats-Unis essaient d'isoler et de fragiliser le Venezuela, la Chine se met à investir là-bas et à importer du Venezuela, sans s'occuper de ce que disent les US. […] Le problème que les Etats Unis ont avec la Chine, et l'Asie en général, est qu'elles n'acceptent pas automatiquement les ordres US. […] elles ne veulent pas rentrer dans le rang.»
Ainsi a toujours été ce militant à contre-courant du discours des grandes puissances. Il ne cessera de décortiquer les enjeux réels qui se cachent derrière les nombreux conflits dévastateurs de ces 50 dernières années. De la guerre du Vietnam à la Palestine en passant par les Amériques (centrale et latine) et les Balkans, l'intellectuel a traqué sans relâche «le terrorisme d'Etat» qu'il associe à la politique étrangère des Etats-Unis et de ses alliés, notamment Israël. Nulle part sur la planète, les tragédies humaines ne le laissent indifférent. Ce militant au dévouement inébranlable a toujours travaillé à conscientiser les gens, à les aider à développer un esprit critique face à leur condition dans le système de l'ultralibéralisme. Il ne dit pas aux gens quoi penser, mais il donne une lecture si claire (il est aussi pédagogue), si juste des événements de l'actualité qu'il finit par rallier de plus en plus de monde à ses idées. Noam Chomsky veut croire que les humains ont «un instinct de liberté». Et qu'ils sont «des créatures qui, par nature, tendent à s'opposer aux structures autoritaires et à résister à l'oppression…». Chomsky critique abondamment les médias, souligne les paradoxes et les contradictions des démocraties occidentales en mettant l'accent sur la prédominance du capital, analyse les rouages des centres du pouvoir et dissèque dans le détail les méfaits sur les plus faibles de la mondialisation, cette nouvelle forme d'oppression, en cours sur la planète. À travers ses écrits, le message qui saute aux yeux, c'est la volonté d'insuffler aux gens le désir de sortir de ce moule de «consommateurs passifs» dans lequel les enferme la propagande capitaliste. À l'ère de l'information, cette machine est devenue l'instrument privilégié dont se nourrit ce que Jean Ziegler# appelle «l'appareil de domination et d'exploitation mondiales érigé par les oligarchies depuis le début des années quatre-vingt-dix». Appareil dans lequel l'humain est au service de l'économie, alors que ce devrait être l'inverse. Dans son livre Dominer le monde ou sauver la planète, Noam Chomsky dévoile la grande stratégie impériale avec laquelle les Etats-Unis imposent aux habitants de la planète une nouvelle vision du monde. Il doivent passer de la «vision centrée sur les Nations unies et le droit international, à une autre, fondée sur l'identification» avec les desiderata de Washington. Les stratèges de la Maison-Blanche sont convaincus que la violente agression contre l'Irak (qui a servi d'éprouvette à la nouvelle stratégie de Washington) dissuadera les pays qui seraient tentés de résister au nouvel ordre mondial. «L'exemplarité de toute l'affaire de [l'Irak] est bien comprise par le reste du monde», observa l'historien de Harvard Roger Owen, cité par Chomsky. L'avertissement vise particulièrement les pays que la propagande occidentale désigne par l'«axe du mal». «On leur a appris par cette démonstration de force qu'ils devaient mettre de côté ‘'toute considération sérieuse d'intérêt national'' et adopter une attitude reflétant ‘'les objectifs américains.'' Les récalcitrants n'ont qu'à bien se tenir. La grosse machine impériale fera tout pour les faucher. Voilà une façon de faire de la politique qui relève bien de la pratique mafieuse, comme le souligne Noam Chomsky dans une entrevue : «Les affaires à l'échelle internationale fonctionnent à la manière de la mafia. Le parrain n'accepte pas la désobéissance…» C'est ce que de nombreux observateurs qualifient de retour de «la diplomatie canonnière», domaine que l'Occident fréquente assidûment depuis des siècles pour assurer la pérennité de sa domination.
L'actualité est chargée d'exemples de cette façon maffieuse de faire de la politique. Les coups portés régulièrement au président vénézuélien Hugo Chavez, l'homme qui a osé la dignité pour son peuple et refuse le rôle de sous-traitant au service de l'empire, illustre le déni de justice sociale que pratique l'Occident en dehors de ses frontières.
L'occupation de la Palestine
Sur la question palestinienne, Noam Chomsky ne mâche pas ses mots. Pour lui, «ce n'est pas le méchant Arafat qui a été ‘‘l'obstacle principal à la concrétisation'' d'un État palestinien, mais bien les Etats-Unis et Israël, avec l'aide des médias et de commentaires qui taisaient et déformaient les événements». Le militant décrit dans le détail les manœuvres conjointes Etats-Unis - Israël pour mettre en échec toute négociation sérieuse pour aboutir à la paix dans la région. Il met sous les yeux du lecteur l'inventaire des veto dont usent les Etats-Unis pour paralyser toute action internationale visant à faire aboutir la fameuse résolution 242 de 1967 appelant à la création d'un État palestinien aux côtés d'Israël. En fin analyste, Noam Chomsky passe en revue tous les simulacres de processus de paix qui n'ont jamais eu d'autres objectifs que de conforter la politique d'occupation israélienne en la faisant «valider» par des Palestiniens contraints à des concessions inacceptables. L'appui inconditionnel des Etats-Unis à l'occupation israélienne a créé un contexte d'impunité ayant permis à l'Etat hébreu de devenir le «gendarme puissamment armé» du Moyen-Orient qui collectionne les crimes les plus abominables sur les populations palestiniennes. Israël n'a jamais voulu la paix, écrit Chomsky : «Israël se trouvait devant un choix fatidique : accepter la paix et l'intégration dans la région, ou bien s'en tenir à l'affrontement, donc une dépendance inévitable vis-à-vis des Etats-Unis. Il choisit la seconde voie, non par souci de sécurité, mais par volonté d'expansion.» Un raisonnement exprimé par le général Haïm Bar Lev, cité par Chomsky, abonde dans ce sens : «Nous pouvons avoir la paix, mais je crois que, si nous continuons à tenir, nous obtiendrons plus.» Le plus qui a toujours été la locomotive de l'Etat d'Israël dans ses visées sur les pays arabes et ce, dès 1948. L'échec de tout processus de règlement du conflit israélo-palestinien a été une mission poursuivie religieusement par les tenants du sionisme international, et dont Israël ne serait en fin de compte que l'instrument d'exercice de leur pouvoir. Les prises de position très critiques de la politique israélienne au Moyen-Orient ont valu à Noam Chomsky l'étiquette «mortelle» d'antisémite, qu'on s'empresse de coller à tous ceux qui s'aventurent à critiquer l'Etat d'Israël. Ceux qui ne partagent pas ses analyses sur le conflit israélo-palestinien l'ajoutent à la longue liste des juifs dissidents au discours sioniste et qu'on présente comme des «juifs qui se détestent eux-mêmes», une étrange maladie psychologique «self-hating jew» (haine de soi). Son pendant pour les non-juifs existe aussi : antisémite. Ainsi taxés, les médias occidentaux s'arrangent de manière à ce que ces penseurs à contre-courant n'aient pas pignon sur rue.
Noam Chomsky, le tiers-mondiste
Ce qui est remarquable dans la notoriété de l'œuvre de Noam Chomsky, c'est qu'elle s'est faite malgré la chape de plomb dans laquelle les acteurs puissants de l'idéologie occidentale l'ont enfermée. D'ailleurs une bonne partie de son œuvre est consacrée à l'analyse des mécanismes idéologiques des sociétés occidentales. Noam Chomsky soutient en apportant des arguments tout à fait convaincants qu'en termes de contrôle des esprits il n'y a pas ou peu de différence entre une dictature et une démocratie. «Le système de contrôle des sociétés démocratiques est fort efficace ; il instille la ligne directrice comme l'air qu'on respire. On ne s'en aperçoit pas, et on s'imagine parfois être en présence d'un débat particulièrement vigoureux. Au fond, c'est infiniment plus performant que les systèmes totalitaires.» Dans le même entretien, M. Chomsky déclare : «Dans les pays totalitaires, l'Etat décide de la ligne à suivre et chacun doit ensuite s'y conformer. Les sociétés démocratiques opèrent autrement. La ‘‘ligne'' n'est jamais énoncée comme telle, elle est sous-entendue. On procède, en quelque sorte, au ‘‘lavage de cerveaux en liberté ?. Et même les débats ‘‘passionnés ? dans les grands médias se situent dans le cadre des paramètres implicites consentis, lesquels tiennent en lisière nombre de points de vue contraires.» L'opinion publique mondiale a eu droit à plusieurs reprises aux démonstrations de cette manœuvre de manipulation de grande envergure. Les plateaux de télévision occidentaux, notamment français pour l'Algérie, jouent à fond cette carte et se sont particulièrement illustrés par le traitement médiatique des conflits impliquant leurs dirigeants. Irak, Afghanistan, Kosovo, leurs dirigeants ont toujours le beau rôle. Le mauvais, c'est l'autre… du moins jusqu'à ce qu'il passe de leur côté. Et toute voix discordante est pratiquement bannie. Sinon marginale.
Noam Chomsky dévoile à ses lecteurs comment les médias manipulent l'information de manière à avantager le camp occidental dans les différents conflits qui secouent la planète. Ce militant soutenant un tel discours, on comprend fort bien pourquoi il a toujours suscité la controverse et attiré les foudres des milieux intellectuels confortablement installés dans leur «certitude» d'avoir choisi le camp des bons, «celui de l'Occident, des droits de l'Homme» par opposition au «mauvais», celui de la «barbarie à visage humain», pays socialistes et dictatures post-coloniales mêlées». Autrement dit, choisir le camp de l'Occident ou celui des révolutions du tiers-monde, puisque c'est là que se livrent les combats de la liberté et de la démocratie et des droits sociaux et économiques des peuples. Égal à lui-même, Noam Chomsky fait le choix de la justice et de la vérité. Ce qui le place automatiquement dans le mauvais camp. Tant pis, il fera quand même l'autopsie de plusieurs conflits en établissant la responsabilité, voire la culpabilité des grandes puissances occidentales. Il tourne ainsi le dos à la ligne de conduite occidentale qui veut qu'on s'indigne à grands frais devant un conflit ou une catastrophe imputable aux ennemis de l'Occident et qu'on minimise la responsabilité des gouvernements occidentaux ou de leurs alliés engagée dans des horreurs.
En traversant l'œuvre de Chomsky, on atteint le rivage de sa propre conscience, là où l'on s'arrête pour se questionner sur le vrai sens de la vie. Faisons-nous vraiment notre part pour ce monde que nous voulons meilleur ? Ne devrions-nous pas justement avoir honte de ce que nous ne faisons pas ? Et parfois, honte de ce que nous faisons.
La leçon qu'on retient de Noam Chomsky est celle de l'incomparable capacité humaine d'agir pour changer les choses, pour transformer la vie. La sienne. Celle de ses semblables. Ce dont je suis sûre, c'est que Noam Chomsky a fait sa part. Nous sommes nombreux à le penser. Pourtant, avec la montagne de réalisations à son actif, autant sur le plan intellectuel qu'en termes d'action de solidarité, le militant reste insatisfait. «Quel est votre plus grand regret en tant que militant de ces 40 dernières années ?
Qu'auriez-vous fait différemment ? lui demande Geov Parrish. La réponse est à l'image de l'homme : «J'en aurais fait plus. Parce que les problèmes sont si amples et profonds que c'est une honte de ne pas en faire plus.»
Z. H.
* Ecrivaine


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