On raconte que la femme de Ghanem, la mère de Dhiab, voulut rendre visite à ses frères qui vivaient dans leur propre tribu. Elle pria son mari : — Ô Ghanem, je me languis de mes frères. Fais-moi conduire auprès d'eux. Une telle demande eut pour effet d'agacer le chef des Béni Hillal qui nourrissait un grand mépris pour les frères de sa femme. Il était agacé au plus haut point lorsqu'il les entendait évoquer leur intelligence et leur courage. Il les trouvait lâches et sans esprit aucun. Voilà pourquoi il imposa à sa femme une condition : — Si tu veux rendre visite à tes frères, je vais te donner trois énigmes à leur soumettre. Tu m'apporteras la réponse et si par malheur elle était fausse, je te répudierai. Elle accepta et Ghanem dit : — Demande à tes frères : Mrar mnas ? Qu'y a-t-il de plus amer ? hla mnas ? Qu'y a-t-il de plus doux ? swad mnas ? Qu'y a-t-il de plus sombre ? Elle s'en alla et séjourna quelque temps chez ses frères. Le jour où elle revint, Dhiab courut à sa rencontre. Il était au courant des conditions imposées par son père. Il l'interrogea : — Mère ! Mes oncles ont-ils répondu aux énigmes ? — Oui ! Ils m'ont affirmé qu'il n'y avait rien de plus facile. La chose la plus amère est la hadja (marron d'Inde), la chose la plus douce est le miel et la chose la plus sombre est la nuit sans lune. Le fils en frémit. Il craignait la répudiation de sa mère car les solutions étaient fausses. Elles ne comportaient aucune subtilité, aucun esprit. Dhiab souffla la bonne réponse à sa mère malgré le risque que cela comportait. Rien ne pourrait apaiser la colère de Ghanem s'il venait à découvrir l'intervention de Dhiab. Il dit : — Mère ! mes oncles se trompent. Voilà ce que tu dois répondre : Mrar mnas ? Rfoud el-miyyet fi el n'ach ! Hla mnas ? Lehb edl-dhrari f-el-frach ! Swadt mnas ? Dharb es-sif ‘end lermas ! Qu'y a-t-il de plus amer ? Le transport du mort dans son cercueil. Qu'y a-t-il de plus doux ? Les rires des enfants dans leur lit ! Qu'y a-t-il de plus sombre ? L'humiliation de l'ennemi désarmé de son épée. La femme répéta à son mari mot pour mot ce que son fils lui avait soufflé. Etonné, Ghanem demanda : — As-tu rencontré Dhiab à ton retour ? — Pas du tout ! nia-t-elle. L'homme se tut et sortit de la tente. Il alla trouver l'un des bergers auquel il ordonna : — Dès que tu me verras rentrer sous ma tente, crie et annonce que Dhiab a été tué par des voleurs de troupeaux. (à suivre...)