«Il ne reste que de maigres surfaces des terres qui étaient, jadis, rattachées aux villages socialistes». Le constat est d'un authentique agriculteur qui a vécu l'âge d'or et la décadence de la réforme agraire. Au fil des années, les surfaces se sont mises à reculer devant l'invasion du béton. «C'est un miracle si ces vergers que vous voyez ont pu échapper à la maffia du foncier dans les décennies précédentes», ajoute notre interlocuteur qui se félicite de la prise en main du dossier par les autorités et la vague d'enquêtes qui ont été déclenchées. Un autre agriculteur rencontré à Qariet Leqbaïel se rappelle les moindres détails du «grignotement» des vergers et des champs de blé. «Cela a commencé par la création des EAC, vers le milieu des années 80», regrette-t-il. Malgré l'intervention des plus hautes autorités du pays et le transfert de milliers de dossiers à la justice par les services de la Gendarmerie nationale, certains «affairistes» ne lâchent pas prise et tentent de revenir à la charge. «Nous sommes régulièrement intimidés par des individus qui se présentent comme des personnages importants et qui mettent en avant leurs relations. Nous avons saisi la justice qui nous a confortés dans notre droit, mais ils ne veulent pas nous laisser tranquilles», affirme notre interlocuteur qui gère ce qui reste d'une EAC en compagnie de 6 autres agriculteurs. Les larmes aux yeux, il se rappelle un événement particulièrement douloureux survenu il y a quelques années : des individus, dont il n'est pas difficile de deviner les intentions, ont envoyé un engin jaune qui a sillonné de long en large son vaste champ de blé qui promettait pourtant une bonne récolte. «C'était un crime inqualifiable, mais qui n'a pas eu raison de mon attachement à la terre», se contente-t-il de dire.