L'érosion du pouvoir d'achat des Algériens ne fait que s'aggraver. La marge de la classe dite moyenne se rétrécit chaque jour davantage et la survie au quotidien devient un défi pour de nombreuses familles. Solution : exercer une activité parallèle et tant pis pour les conséquences sur leur santé. Ce sont, entre autres, les activités secondaires auxquelles s'adonnent les fonctionnaires pour joindre les deux bouts. La vie est en effet chère et les salaires ne suffisent parfois même plus à couvrir les besoins de deux semaines entières alors que dire d'un mois ? Face à cette situation, il n'y a qu'une seule «voie de salut», celle de cumuler le plus grand nombre de fonctions possibles». De nombreux fonctionnaires, en effet, ont pris cette voie. Celle d'avoir une autre activité en fin de journée, durant les week-ends et…même durant la période de congé annuel. Omar, la quarantaine, fait partie de ces personnes auxquelles les conditions socio-économiques infligent des corvées supplémentaires. Il est cadre moyen dans une administration publique et père de quatre enfants. Son épouse est femme au foyer et ses enfants sont tous en bas âge et scolarisés. A la fin de sa journée de travail, il opte pour le transport de voyageurs, un métier plus ou moins rentable, notamment la nuit. « J'ai commencé le métier de transporteur clandestin depuis plusieurs mois car je n'arrive plus à faire face aux besoins de ma famille avec le salaire de misère que je perçois. Croyez-moi, c'est grâce à cette voiture que je n'ai pas tendu la main. Parfois, je quitte mon poste avant l'heure, prétextant une urgence, et je déplace des gens, notamment lorsqu'il s'agit de course longue distance», reconnaît notre interlocuteur, rencontré, d'ailleurs, à la sortie de la gare routière du Caroubier (Alger) en train de proposer ses services de «taxi». Omar n'est pas le seul fonctionnaire à se convertir en clandestin. «Au moins 80% des clandestins que vous voyez ici ont des postes d'emploi officiels, mais Allah ghaleb ils n'arrivent pas à joindre les deux bouts», atteste-t-il. Un autre «taxieur» intervient : «Que voulez-vous que je fasse ? Dans ce pays, tout augmente sauf les salaires. Alors, nous sommes condamnés à chercher d'autres sources de revenus pour préserver notre dignité. Moi, je ne peux pas demander de l'argent à d'autres, d'autant plus que je suis certain que je suis incapable de le rendre à la fin du mois. Je suis fonctionnaire dans une APC depuis plus de quinze ans, mais si je n'avais pas opté pour cette solution, je ne sais pas ce que je serais devenu.» Les témoignages ne manquent pas sur ce nouveau phénomène imposé par la cherté de la vie. Le transport clandestin des voyageurs n'est pas la seule «issue» des fonctionnaires. D'autres optent pour les travaux de chantier, le commerce informel, l'enseignement dans les écoles privées, etc. «Il faut que nos gouvernants sachent que les salaires d'aujourd'hui ne suffisent même pas à couvrir nos besoins en matière de nourriture. Sans parler des autres nécessités de la vie ; vêtements, médicaments, loyer, électricité, gaz, articles scolaires. Les vendredis, je travaille sur des chantiers où je gagne au moins 1 200 DA. D'où allons-nous les ramener ?. Nous sommes condamnés à faire des marathons au quotidien, c'est une vie amère», résume Tahar, la cinquantaine.