Crise n La conjoncture socio-économique actuelle a fait disparaître le mot repos du vocabulaire des fonctionnaires. Même le bonheur revêt une signification nouvelle. Pas question de se permettre un moment de détente ou une villégiature. «Nous n'avons même plus un moment pour respirer», dit Saïd, agent de sécurité dans une entreprise économique et qui, à partir de 16 heures, met la casquette de tôlier. «Mon temps est bien calculé. Dès que je termine le travail, je me dirige vers le garage de mon voisin à El-Harrach où je continue à bosser jusqu'à une heure tardive de la nuit», atteste ce père de famille. Et la notion du repos ? de vie familiale ? de discussion avec les amis ? les loisirs ? Notre interlocuteur a mis tout cela de côté, se contentant de « courir derrière la khobza». D'un ton amer, notre interlocuteur révèle qu'il n'a même pas le temps de «gâter» sa petite de deux ans. «Que veux-tu que je fasse, mon frère ? il faut gagner sa croûte, aussi amère soit-elle», dit-il. Une chanson du pilier du châabi ne quitte, d'ailleurs, pas ses lèvres, celle de Slimane Azem, reprise par Kamel Messaoudi Saha ya lweqth agheddar, win ighesserwan el hemm (Oh, époque traître, celle qui nous a gavés de malheurs). Il sort tôt le matin, à six heures, pour ne rentrer qu'à 22 heures. Il aimerait bien avoir un temps de «répit», mais «mieux vaut se sacrifier qu'accepter les privations les bras croisés». Un salaire dérisoire, des dépenses qui n'en finissent pas et qui augmentent de jour en jour. Voilà ce qui a fait disparaître le mot repos du vocabulaire de milliers de fonctionnaires contraints, aujourd'hui, à consacrer la plupart de leur temps à «suer» afin d'arrondir leurs fins de mois. Kaci, fonctionnaire dans un ministère, a opté pour une autre solution. Comme il habite à Tizi Ghennif, une localité dans la wilaya de Tizi Ouzou, il est contraint à faire la navette quotidiennement, il met donc sa voiture à profit. A cinq heures du matin, il est déjà en quête de voyageurs à destination d'Alger. «A deux cents dinars la place, j'arrive à gagner 800 DA au départ et parfois il y a des clients même au retour, ce qui me permet d'arrondir mes fins de mois», atteste-t-il, ajoutant qu'il lui arrive d'attendre d'éventuels voyageurs, à la gare routière de Caroubier, jusqu'à 19 heures. «Je rentre souvent à 22h et le matin, je me lève à 4h 30. ça me fatigue trop, mais je n'ai pas d'autres solutions», témoigne notre interlocuteur. Durant les week-ends, les jours fériés et le congé annuel, il «investit» également dans le transport clandestin. Et le bonheur dans tout ça ?. Kaci lui donne une autre définition, plutôt pragmatique. «Le bonheur aujourd'hui est réduit à pouvoir subvenir aux besoins élémentaires. Mon bonheur est de voir mes enfants ne manquer de rien. Quant à moi, c'est quand j'arrive à leur garantir tout ce dont ils ont besoin», explique-t-il.