Débat n Si certains pensent qu'il faut inscrire la pratique théâtrale dans une vision moderne et une approche actuelle, d'autres, à l'instar de Ali Abdoun, président de la coopérative El-Afsa de Tlemcen, estiment qu'il faut la rattacher à la culture patrimoniale. Rencontré en marge du festival national du théâtre professionnel, Ali Abdoun, pour qui le festival évolue depuis la 1re édition en 2006, souligne l'importance d'intégrer les différents éléments du patrimoine populaire dans la création théâtrale. «Il est utile de puiser dans le terroir, parce que, d'une part, cela sert à explorer toutes les strates de notre patrimoine, et parce que, d'autre part, cela nourrit le théâtre, l'enrichit, le renforce, le construit.» Interrogé ensuite sur l'expérience menée par la coopérative qu'il dirige, Ali Abdoun explique : «On travaille certes sur des textes universels en les simplifiant de manière à les adapter au contexte local, mais on travaille également et surtout sur les formes théâtrales populaires. Comme exemple, on a beaucoup travaillé sur le rituel de l'Ayrad.» Ali Abdoun indique par ailleurs que, contrairement à l'idée globale et reçue selon laquelle le théâtre a vu le jour à l'époque coloniale, qu'il a été introduit par la culture occidentale et que c'est un théâtre classique, le théâtre est, depuis longtemps, présent et s'exerce durablement dans la culture populaire. «Notre objectif à travers cette entreprise, celle que nous menons, consiste certes à récupérer le patrimoine populaire, mais aussi et surtout à dire que notre culture a ses propres formes théâtrales, des formes déjà existantes en Algérie, même bien avant l'introduction du théâtre classique, dit occidental», affirme-t-il, ajoutant : «Pratiquer ce type de théâtre permet de puiser et d'exploiter les valeurs, les symboles et les référents qui renvoient à notre culture ancestrale.» Interrogé en outre sur la particularité du théâtre populaire, Ali Abdoun dit : «Il faut savoir que le théâtre populaire est significatif et important dans la pratique théâtrale algérienne, car il renouvelle et valorise l'espace. C'est un théâtre qui, d'un lieu à un autre, ne se fait pas de la même manière. Il évolue et s'enrichit sensiblement. Les formes populaires sont libres et constructives. Elles privilégient la proximité. Le théâtre populaire qui fait participer le public, est un théâtre d'interactivité.» Et de soutenir aussitôt que «le théâtre moderne a beaucoup à apprendre du théâtre populaire, que le théâtre lui-même est issu des formes d'expression populaire.» l Ali Abdoun se révèle de ceux qui défendent l'idée d'un théâtre populaire. Il estime toutefois que ce théâtre nécessite un espace approprié à son expression. Autrement dit, il ne peut se pratiquer dans un théâtre de configuration classique, où le public se trouve face à la scène, donc, distancié des comédiens. «Avec le théâtre populaire, il ne faut pas qu'il y ait une frontière entre le public et les comédiens. Il ne faut pas que le premier soit séparé de l'autre. Le public doit être, lui aussi, sur la scène, et les comédiens doivent être parmi le public. Le théâtre populaire favorise l'interaction entre le public et les comédiens. » Ainsi, Ali Abdoun pense nécessaire, pour pareil théâtre, de l'inscrire dans un espace de telle manière que le public se trouve d'un côté de la scène comme de l'autre en dedans. Il soutient, en effet, l'idée d'un théâtre où la scène se trouve au milieu et le public tout autour, c'est-à-dire à la manière d'une halqa. Ce type de théâtre permet une meilleure perméabilité de l'action théâtrale dans le conscient et l'imaginaire du public. Ali Abdoun est auteur et metteur en scène. Il est aussi animateur. «J'ai fait des expériences d'auteur comme celle de metteur en scène, mais j'ai opté pour l'animation», confie-t-il. Et de poursuivre : «J'ai choisi effectivement d'être animateur de théâtre, parce que j'ai voulu investir la scène théâtrale, d'autant plus qu'à Tlemcen il n'y a pas de théâtre. Ce choix s'explique aussi par le fait que j'ai voulu former de jeunes amateurs, comme il s'explique également par le fait que je voulais inscrire l'action théâtrale au sein même de la cité.» Ainsi, Ali Abdoun œuvre de manière à développer à travers sa coopérative un théâtre de proximité, et de proposer des spectacles susceptibles d'attirer l'intérêt du public et de développer son goût pour le 4e art. «en somme, notre souci est de nous rapprocher du public», conclut-il.