"Portrait" Il refuse de prendre une personne âgée portant deux couffins, il fait la loi et allume une cigarette sans avertir. Lui, c?est un chauffeur de taxi? 14h 30, rue Hassiba-Ben-Bouali. Une grappe de gens fait la queue pour prendre un taxi. Une procession de véhicules, mais pas un vide. Les destinations sont différentes et dès qu?un taxi apparaît vide, on accourt de tous les côtés pour monter le premier. «Taxi, Kouba !» Le chauffeur de la Lada blanche s?arrête et nous demande de grimper rapidement. Dix mètres plus loin, une personne âgée portant deux couffins lui fait un signe. «Elle va grandir ici», martèle le conducteur sur un air moqueur et arrogant. Ce jeune, frisant la trentaine, conduit et parle trop en même temps. «Mais c?est une vieille femme, vous auriez dû la prendre avec nous», lui rétorque le client assis à sa droite. «Mohamed, je sais ce que je fais», assène le chauffeur. L?autre ne bronche que pour dire un mot : «Smahli». L?incident est clos. Deuxième arrêt. «Ben Omar !» fuse du trottoir. Une jeune femme, coquette et vêtu d?un ensemble jean monte à l?arrière. Les places sont toutes prises, le chauffeur appuie un peu trop sur l?accélérateur, mais l?embouteillage au niveau de Moulin le force à stopper net et faire monter le frein à main. «C?est toujours pareil. La trémie n?a rien réglé, c?est toujours la pagaille», s?insurge-t-il. Feuilletant un journal, le client assis à sa droite n?a pas l?air de vouloir aborder une autre discussion, histoire, peut-être, d?éviter une autre dispute. «Y a t-il du nouveau ?» s?interroge le chauffeur, visiblement à l?aise dans son rôle d?acteur principal. A l?évidence, il est dans son «jardin», dans sa propriété, se permettant même le luxe d?allumer une cigarette au mépris d?un autocollant sur lequel on pouvait lire : «Interdit de fumer». Le temps de tirer deux bouffées, la jeune fille le rappelle à l?ordre avec une gentillesse féminine. A l?entrée de Belouizdad, le véhicule est pris dans un autre bouchon. Le chauffeur pique une colère indescriptible et essaye d?allumer une deuxième cigarette, la jeune intervient de nouveau. Assis à l?arrière, un troisième client, un quinquagénaire bien habillé, commence à parler. L?affaire Bcia est le sujet d?actualité. Mais personne ne suit la cadence. Il dut changer de cap pour évoquer la venue en Algérie de Musharraf, le président pakistanais. Le chauffeur le stoppe net. «Khatini boulitik», lui signifie-t-il. Le calme revenu. Le véhicule fonce sur Kouba jusqu?au terminus, dans un silence de cathédrale?