Pour essayer de libérer la pratique médicale des tabous et des idées archaïques, des spécialistes appellent à un débat profond avec l'implication de tout le monde : les médecins, les décideurs et les ulémas. Comment trouver une cohérence entre la pratique médicale, le cadre juridique et les convictions religieuses ? Telle a été la problématique développée hier par des professionnels de la santé, en marge du 2e séminaire international sur l'éthique médicale organisé par la faculté de médecine d'Alger à l'hôtel El-Aurassi (Alger), le but étant de protéger le médecin et le malade. «Les lois existent mais elles ne sont pas claires. Elles doivent être plus précises pour faciliter aux médecins la prise de décision médicale lorsqu'il s'agit d'accompagner un malade ou une personne âgée, ou alors dans le cas d'une interruption médicale de grossesse», a affirmé le docteur Bekkat Berkani Mohamed, président du conseil de l'ordre des médecins. Prenant l'exemple des problèmes d'éthique dans la spécialité gynéco-obstétricale, il a reconnu le fait que les médecins spécialistes sont confrontés actuellement à des situations d'une ampleur telle qu'elles ne peuvent déboucher sur une intervention, «ce qui rend leur tâche plus difficile». Pour illustrer ces propos, le Dr Bekkat Berkani cite «l'exemple du diagnostic d'un enfant qui présentait des malformations énormes pouvant entraîner un danger réel pour la mère». Trouvant anormal que des «Algériens partent en Tunisie qui est un pays musulman où on tolère l'avortement thérapeutique», l'intervenant admet tout de même qu'«il est nécessaire de dégager un débat national en impliquant les hommes de culte, les médecins, les décideurs pour faire évoluer la législation dans notre pays». «On ne peut pas rester prisonnier des tabous et des idées archaïques. Le monde bouge…», a-t-il affirmé. Développer la médecine exige nécessairement, explique le conférencier, la création de «comités d'éthique, une organisation de donneurs d'organes, voire une banque d'organes pour avancer dans l'enlèvement d'organes sur cadavre». A son avis, «les hommes de religion doivent dégager une fetwa dans ce sens pour trouver des solutions aux problèmes d'éthique». Abondant dans le même sens, le professeur Moussa Arrada, doyen de la faculté de médecine d'Alger, trouve «nécessaire de dégager un code d'éthique médical qui doit répondre non seulement aux normes et aux spécificités socioculturelles, mais aussi aux valeurs religieuses». «Notre mission est d'améliorer la qualité de la formation en direction de la famille des médecins, pharmaciens et paramédicaux pour assurer une meilleure prise en charge du malade», a-t-il enchaîné. «Les compétences professionnelles du praticien doivent être complétées par des valeurs morales et humaines dans sa pratique médicale», a-t-il signifié.