Déception Pour ces familles relogées depuis une semaine, l?attente dure encore. Des dunes de sable ici et là, des trous profonds pleins d?eaux de pluie, le terrain boueux est glissant, ce qui entrave le chemin vers les 232 chalets, rangés verticalement dans le site de Zemmouri El-Bahri... Certains passages sont fraîchement cimentés alors que les familles sinistrées vivent ici depuis plus d?une semaine. Il est difficile même de marcher entre les tas de pierres, d?ordures et de planches métalliques qui jonchent le sol bourbeux. «Nous n?avons pas d?eau. Les robinets n?ont même pas été placés. C?est une autre misère ces demeures !», lance Naïma, qui, greloant de froid, tente d?étendre son linge sur un fil dérisoire que son mari a eu l?idée de placer. «Où faire sécher le linge mouillé ou lavé ? Nous n?avons même pas assez d?espace pour nous. Nous n?avons pas d?armoire ou d?autres meubles pour ranger nos vêtements ! et puis où les mettre ?» Sa voisine, Hadja Fatma, la cinquantaine , devinant que la presse est là, n?attend pas qu?on vienne, pénètre dans la pièce qui respire l?humidité et le froid, puis explique que sa famille se compose de 11 personnes. Visiblement abattue par cette situation, elle affirme qu?elle et son époux dorment à même le sol dans le salon-cuisine, les garçons dans une chambre et les filles dans une autre étroite pièce. L?un de ses enfants a eu l?idée de fabriquer avec des planches abandonnées un semblant d?armoire, ou elle a pu ranger les vêtements de tout le monde. «Demain Saïd va porter le buffet chez le menuisier pour qu?il en fasse le transforme en un petit meuble qui ne prend pas trop de place et qui pourrait servir.» Karima, âgée de plus de trente ans, mère de cinq enfants, confie que pour les faire partir, les responsables du site des 1 200 Logements, leur ont promis de tout retrouver dans les chalets. «Ils nous ont dit que nous allions trouver tout ici, mais ils ont menti. Nous manquons de tout. Regardez comme les habits de mes enfants et de mon époux sont rangés dans les cabas ou entassés sur le canapé. Le peu que nous avions a été englouti par les décombres, aujourd?hui c?est presque impossible de tout racheter, il faut pour cela que je prive mes enfants de manger !? Ne savent-ils pas que nous sommes pauvres ?», rouspète-t-elle. Ne contenant pas sa colère elle fulmine : «Mes enfants dorment sur des planches de bois dans ce froid et cette pluie. Nous n?avons reçu que deux couvertures et un matelas, alors que nous sommes cinq personnes». Karima regarde ses enfants, puis murmure qu?elle a dû récupérer de la vaisselle et d?autres ustensiles chez sa s?ur. Pas de réfrigérateur, ni cuisinière. «Je vous assure que si mon époux n?avait pas mis de l?argent de côté on n?aurait pas acheté ce four, et on aurait crevé de faim ! Dans les camps, ils nous ont bourrés de lentilles et de pâtes». Dans les autres chalets, les mêmes privations se lisent sur les visages et se racontent sur les bouches froissées. Les sinistrés, qui attendaient avec impatience leur délivrance, voient, depuis qu?ils se sont installés dans ces maisonnettes, le début d?une infinie souffrance. Décor d?après-séisme : Les camps de toile n?existent plus, les familles ont été sommées de rejoindre leurs bâtisses et leurs immeubles, même si les opérations de réhabilitation et de rénovation n?ont pas été achevées. Des tas de pierres, de planches et de plaques jonchent les entrées d?immeubles, un décor qui rappelle celui de l?après-séisme. Les ouvriers poursuivent normalement les travaux, comme si de rien n?était. Bruits, poussière et va-et-vient incessants sont les lots quotidiens des habitants. Pourtant beaucoup reste à faire et le danger est permanent, d?autant que les enfants ne se gênent pas pour jouer dans les décombres et les ordures.