Ce n'est pas seulement dans les bidonvilles et dans les sites de baraquement que la précarité règne en maître des lieux avec son lot de conditions pénibles, mais également dans ces nouvelles mansardes aux allures de containers, appelées arbitrairement « chalets », que les conditions de vie sont des plus difficiles. Les Ondines, Verte-Rive, Bateau-Cassé, Boussakloul ou encore Mouhous, ce sont là des lieux où sont implantées ces milliers de cellules collées les unes contre les autres telles des fourmilières qui grouillent de monde. Des familles y vivent dans seulement 36 m2, depuis six ans pour certaines d'entres-elles. « Ces chalets sont devenus inhabitables, car ils ont une durée de vie limitée, nous vivons ainsi dans des conditions insupportables », nous confie un père de famille qui occupe depuis six ans un chalet au site des Ondines dans la commune de Bordj El Bahri, et d'ajouter : « Trois de mes enfants ont grandi dans ce chalet, ils sont maintenant atteints de maladies respiratoires graves. » En effet, le site implanté dans une zone marécageuse a favorisé la prolifération de maladies telles que l'asthme, mais aussi les matériaux utilisés dans la construction de ces semblants d'habitations aux apparences de maisonnettes y sont aussi pour beaucoup dans la dégradation de l'état de santé de leurs occupants. « Nous avons à maintes reprises signalé aux services de l'OPGI l'existence de fibres d'amiante entre les parois des chalets, mais rien n'a été fait pour nous en éviter l'exposition », assure notre interlocuteur, qui brandit une décision d'attribution portant le numéro 256/2004, stipulant que la durée du recasement ne saurait excéder les dix-huit mois. « Cela fait cinq ans déjà que nous occupons, ma famille et moi, cette baraque métallique devenue entre-temps inhabitable », poursuit-il. En effet, l'état de la plupart de ces chalets présente une vétusté très avancée. Un des locataires, Khellif Rachid, chef d'une famille nombreuse, nous invite sans hésitation aucune à « faire irruption dans son intimité » : « Rentrez, je vous invite à voir par vous-même dans quelle misère nous vivons moi et mes cinq enfants. » Le constat à l'intérieur du chalet est des plus ahurissants, car à peine la portière en fer de la courette ouverte, qu'apparaissent déjà des étayements rajoutés sous le chalet pour tenir son châssis qui semble sur le point de s'affaisser. Des eaux usées dégoulinent du raccordement de la tuyauterie des sanitaires pour se frayer un chemin entre les parois de la murette d'enceinte. Sur les murs externes, des rapiècements vulgaires en contre-plaqué donnent au chalet une allure de véritable baraque. A l'intérieur, une odeur de moisissure taquine les narines des non-habitués des lieux que nous sommes. La vue n'est guère agréable. L'état des allées à l'intérieur du site est aisément assimilable à un champ bombardé, tant elles sont ponctuées par de profondes excavations. Par ailleurs, nous apprendrons des habitants du site que depuis 2003, date du séisme, le site a accueilli différentes catégories de recasés. Il y a certes les victimes du séisme, mais également ceux des inondations et quelques expropriés. Et derrière chaque famille relogée, il y a une histoire, un drame. « Avant, nous occupions un logement vétuste à Birkhadem qui s'est partiellement effondré, nous nous sommes alors retrouvés ici, pour seulement dix-huit mois, comme nous ont promis les responsables de la wilaya, mais cela fait déjà sept ans que nous occupons ce chalet, et pour régler la question de notre relogement, chaque instance nous renvoie à l'autre, et nous sommes ainsi ballottés entre l'OPGI, la wilaya déléguée et les services de la wilaya. » Les dernières déclarations du wali d'Alger, qui a annoncé que les 4500 occupants des chalets seront tous relogés avant la fin de l'année, ne semblent pas redonner de l'espoir à ces oubliés de l'administration.