Appréhension n La rentrée sociale est synonyme pour des milliers de familles, d'épreuve douloureuse pour le budget. «Les pères de famille qui passent leur temps à essayer de satisfaire les petits ventres, peuvent-ils s'occuper également des petites cervelles ? (…)» La question a été posée par Mouloud Feraoun dans Le fils du pauvre (1942). L'interrogation n'a rien perdu de sa pertinence, un demi-siècle après sa formulation. On la pose encore aujourd'hui : les parents «pauvres» peuvent-ils s'occuper sérieusement de la scolarité de leurs enfants ? Les dépenses que demande la rentrée sociale sont perçues comme étant «terribles» pour les parents. «Il faut d'abord s'acquitter des dépenses journalières habituelles. Il faut, ensuite, affronter les dépenses de la scolarité des enfants. Ça va des effets vestimentaires aux fournitures scolaires (livres, cahiers...). Si l'on regarde de près, s'occuper de tous les détails et des préparatifs revient terriblement cher au budget de la famille», avoue Mohammed, un père de famille habitant la Basse Casbah. Il a six enfants, dont quatre garçons (trois sont scolarisés). Mohammed n'hésite pas à préciser que ses garçons se débrouillent comme ils peuvent dans le marché informel qui obstrue presque toutes les rues et ruelles de la place des Martyrs. La famille est versée dans le commerce des effets vestimentaires pour femmes. «Cela me permet de m'occuper de mes deux filles qui sont dans le secondaire», affirme-t-il. Selon lui, s'occuper sérieusement d'un enfant scolarisé peut revenir à près de 10 000 DA au chef de famille. Mohammed énumère toutes les acquisitions indispensables pour une bonne préparation de la rentrée scolaire : pantalons, tabliers, chaussures neuves, cartables, cahiers… Ce père de famille est particulièrement interloqué par le coût des manuels scolaires : «Vous imaginez qu'il faut dépenser plus de 3 000 DA pour un enfant du primaire rien que pour les livres ?» ces frais exorbitants amènent souvent les parents à vouloir minimiser leurs dépenses au maximum. Les enfants sont donc souvent frustrés devant cette privation. Pour eux, l'été, une période de vacances certes, peut constituer aussi une occasion inespérée pour faire valoir leur relative indépendance par rapport à l'autorité parentale. «Je travaille pour pouvoir acheter ma boîte de gel sans demander de l'argent à qui que ce soit», plaisante Madjid, un jeune de 16 ans, lycéen. Madjid est manœuvre dans les chantiers. Depuis trois ans déjà, il suit un maçon de sa connaissance là où il a du travail. «Des fois je me permets d'aider mes sœurs», ajoute l'adolescent. Mais qu'en est-il des filles ? Samira a raté une première fois son bac en 2007. Elle suit, depuis février dernier, un stage de technicien supérieur en informatique, dans un centre de formation professionnelle. Pendant l'été, elle suit un stage de couture contre une modique somme d'argent. «A chaque fois, je dois supplier mes frères pour les frais de transport. Pour moi, il n'y a aucune différence entre ce que je vis à la maison et une mendiante sur les trottoirs d'une grande ville», tempête-t-elle. A chacun ses soucis…