Résumé de la 1re partie n La mère de Georgie-Ann lui reproche d'être toujours seule à son âge, mais elle se l'explique par sa triste expérience passée ... J'aurais dû préciser que William dessinait surtout des tours. On peut admirer son travail dans les plus grandes villes d'Amérique : il s'agit de bâtiments phalliques, sans fioritures, fréquentés par des hommes en costume qui manipulent de grosses sommes d'argent. Le jour de notre mariage avorté, lorsque William appela enfin – deux heures après que nos invités furent partis, gavés de sandwichs et enivrés de champagne, ma mère n'ayant vu aucune raison de les priver d'une fête aussi parfaitement réussie –, il me dit qu'il était navré, affreusement, terriblement navré, mais que... Est-ce que je me souvenais, me demanda-t-il, de ce magnat des assurances, dont il avait conçu les locaux, à Atlanta ? Eh bien, il se trouvait que l'homme était mort subitement. Pour sa veuve, une femme beaucoup plus jeune que lui et, à vrai dire, tout à fait charmante, ça avait été un choc terrible. — Tu sais que je ne supporte pas de voir une belle femme pleurer..., ajouta William. Ça me déchire le cœur. Je lui ai donc offert mon mouchoir et... J'ignorais qu'il fût possible de souffrir à ce point-là. Chaque cellule de mon corps hurlait de désespoir. Mes poumons, ma peau, mes ongles s'associaient à ma douleur. Le chagrin, de jour comme de nuit, ne me laissait pas de répit. Il se tapissait dans les lettres et les photographies, prêt à me sauter à la gorge. Il suffisait d'un seul des cheveux dorés de William, retrouvé sur un pull, pour qu'il me fonde dessus. Sur toutes les horloges de mon appartement, les aiguilles se figèrent à l'heure de mon abandon. Si elles bougèrent jamais après cela, ce fut en cachette. Chaque heure était un supplice paraissant contenir un siècle de souffrances sans fin. Et pourtant, il m'était impossible de quitter mon lit de douleur. — Tu as besoin de te distraire, me répétait ma mère. Il faut que tu sortes. Mais comment en aurais-je trouvé la force ? J'avais beau être aveuglée par les larmes, j'entendais encore les murmures : Pauvre Georgie-Ann. Abandonnée. Devant l'autel. Pitoyable. De quoi mourir de honte. Par téléphone, je donnai ma démission. — Docteur Wilson, déclarai-je d'une voix d'outre-tombe au directeur de la section des études littéraires, je suis au fond du gouffre. Je ne reviendrai pas. Il protesta, bien entendu, mais en vain. Comment aurais-je pu, désormais, décrypter la symbolique sexuelle des Peines d'amour perdues devant une classe d'étudiants boutonneux ? Ou encore explorer le cœur humain dans ses moindres recoins avec Byron, Shelley et Keats, les trois mousquetaires du romantisme ? C'était au-dessus de mes forces. Pendant un bon bout de temps, la mort me parut l'unique sort envisageable.