Résumé de la 1re partie William Willis, un aventurier de la mer, s?est lancé seul dans le Pacifique sur un radeau, avec un chat et un perroquet comme compagnons. Ce qui le fait souffrir, c?est la hernie qu?il s?est faite quelques jours avant le départ. Willis voulait pour son radeau des troncs de quatre-vingts centimètres de diamètre. Mais les bûcherons, pour les transporter plus facilement, bien qu?ils soient légers, ne laissent pas tellement grossir les balsas. La recherche a été longue et difficile. Il a fallu survoler la jungle avec un vieil avion de location. Les arbres abattus ont été emmenés par flottage jusqu?à Guayaquil. Le radeau terminé a été transporté par un cargo jusqu?au Pérou. Au moment du débarquement, un remorqueur s?est approché dangereusement du radeau. William Willis s?est jeté contre la coque qui le menaçait. Il a forcé de tous ses muscles et a senti tout se déchirer sous sa peau. Il est entré dans la cabine pour s?examiner. Il s?était fait une hernie. Il a décidé de n?en parler à personne. Surtout pas à sa femme. Maintenant, Willis en est à son onzième jour de navigation. La douleur cesse aussi subitement qu?elle a commencé. Il s?installe à la barre et, d?un coup d??il, embrasse son petit univers. On ne peut gréer un radeau de telle sorte qu?un homme le man?uvre depuis la barre. William doit être partout à la fois et ses gestes doivent être exceptionnellement rapides. Il lui faut toujours garder un ?il sur le compas et sur les voiles. Il doit s?y reprendre à dix fois pour faire les travaux les plus simples, sans arrêt obligé de sauter sur la barre pour maintenir le cap. Jamais de vrai sommeil : il somnole, se repose, mais ne dort jamais. L?idée de cette folie est venue à Willis il y a deux ans, alors qu?il était avec sa femme à New York. Dans la chaleureuse ambiance de l?Aventure?s Club, il lui a soudain dit : «Teddy, je vais traverser le Pacifique seul, à bord d?un radeau. ?? Ne fais pas ça ! Tu es fou ! Tu y resteras !» William n?est pas très grand, il a soixante ans, il est droit comme un «i», musclé, maigre, la peau tannée, les cheveux courts. «Tu ne le feras pas, Will ?» William est né en Allemagne. C?est à Hambourg, où il a vécu son enfance, qu?il s?est pris petit à petit d?amour pour «l?autre» femme de sa vie : la mer. Ses parents n?avaient jamais mis les pieds sur un bateau quand il traînait à cinq ans sur le port de Hambourg, subjugué par les grands navires. Un matin, il a sauté dans une barque, a largué le bout qui le retenait au quai et s?est emparé des avirons. Ses mains minuscules n?arrivaient même à en faire le tour ! Bientôt, la barque s?est mise à errer dans le port au gré des courants. C?est la police qui est venue le tirer de là. Dix ans plus tard, William s?est embarqué à bord d?un trois-mâts qui partait pour les Amériques. Mais il a été vite déçu : à cette époque, c?est le déclin de la marine à voiles. Il est devenu garçon de café, chasseur dans l?Arctique, catcheur, bûcheron, maçon et ouvrier dans une fonderie. Chaque fois qu?il le pouvait on le voyait matelot de pont, sur les trois-mâts qui doublaient encore le cap Horn. Ce soir-là, au Club des aventuriers, Teddy sentait que son mari était repris par la passion de «l?autre». Laquelle allait gagner ? Qui, en définitive, garderait William ? «Tu es fou», disait Teddy. C?est vrai. Ainsi que l?écrit Georges Blond, William Willis est un «fou de la mer». Quelques mois plus tôt, Thor Heyerdahl s?était rendu mondialement célèbre en traversant le Pacifique avec cinq coéquipiers sur un radeau de balsa appelé «Kon-Tiki». «Mais partir seul sur un radeau, insistait Teddy, c?est de la folie ! Sur le «Kon-Tiki» ils étaient six, et quand il y avait une tempête, ils n?étaient pas assez nombreux !» (à suivre...)