Résumé de la 2e partie n La transcription par écrit des contes, si elle permet de fixer et donc de sauver de l'oubli les récits, ne reproduit pas pour autant tous les aspects du conte. Et si le merveilleux n'étonne pas outre mesure dans le conte, c'est parce que justement, il fait partie de ce monde : personne, en écoutant un conte, ne dit : «c'est faux» ou «ça n'existe pas», le merveilleux est accepté comme logique du conte et personne ne cherche à l'expliquer. L'univers merveilleux coexiste avec le monde réel, sans qu'il y ait interférence avec lui. C'est pourquoi, même si certains personnages ou événements sont effrayants, le conte ne provoque pas d'épouvante, sauf ce frémissement qui procure plus de plaisir que de peur. Le merveilleux se distingue du fantastique qui, lui, a pour cadre le monde réel où l'événement insolite provoque une rupture : c'est pourquoi un récit fantastique (une histoire de fantômes ou de vampires) instaure toujours un climat de peur et d'angoisse, tandis qu'on accepte le récit merveilleux comme allant de soi, parce que la fiction est acceptée dès le départ. Bien qu'il existe des contes pour adultes (notamment les contes dits licencieux ou grivois), le conte est surtout destiné aux enfants qu'il se propose de divertir, mais aussi d'éduquer. L'enseignement du conte paraît, de prime abord, désuet, avec sa morale manichéiste qui divise le monde en bons et en méchants, mais derrière les héros et les monstres, se cachent des symboles et des archétypes, voire un processus d'initiation, chargé de faire accéder l'enfant et l'adolescent au monde des adultes. Initiation au sens général, moderne d'acquisition de savoirs et de savoir-faire, mais aussi au sens ethnologique d'accession à la connaissance de certains mystères : celui de la vie et celui de la mort, mais aussi celui de la sexualité. Les oppositions très nettes que met en scène le conte : grand / petit, riche / pauvre, méchant / bon, beau / laid, sage / fou, permettent un déchiffrage aisé des symboles. Le Petit Chaperon Rouge qui, contre les recommandations de sa mère, folâtre dans les bois où elle rencontre le loup symbolise la jeune fille innocente, mais inconsciente qui répond aux sollicitations des inconnus : si dans le conte diffusé aujourd'hui, la fillette réussit à échapper au loup, dans la version originale elle est dévorée par la bête, juste sanction de la transgression des règles établies. Dans beaucoup de contes algériens, le héros est parfois puni pour avoir dilapidé la fortune de son père : il lui faudra, pour reconstituer les biens perdus, subir bien des épreuves qui manqueront de lui coûter la vie. Il importe que l'enfant mais aussi l'adulte sache qu'on ne défie pas impunément les règles établies, parce que du respect de ces règles dépend la stabilité, voire l'existence du groupe. Initier pour mieux s'intégrer et respecter les règles, pour ne pas rompre la logique et les équilibres de la vie sociale ou de la vie tout court, tel semble être le message universel du conte. Dans les conflits mis en scènes, les Bons sortent toujours – ou presque toujours – victorieux, les méchants sont punis, les bonnes actions, le courage, la fidélité et la loyauté sont glorifiés et les héros, défavorisés au départ, sont récompensés et recouvrent leurs droits. L'auditeur, qu'il s'agisse d'un enfant ou d'un adulte, sait que dans la vie réelle, les choses ne se passent pas de la sorte et que les méchants et les injustes ne rendent pas toujours gorge, mais le conte le fait rêver et espérer à une société meilleure, voire à supporter le monde dans lequel il vit. C'est aussi l'une des fonctions du conte. (à suivre...)