Résumé de la 1re partie n La transcription par écrit des contes, si elle permet de fixer et donc de sauver de l'oubli les récits, ne reproduit pas tous les aspects du conte. Certes, le conte populaire est avant tout fait de merveilleux, mais dans le flot du surnaturel, dans la succession des événements plus prodigieux les uns que les autres, il y a un enseignement à tirer, des principes, voire des vérités à découvrir. C'est le message du conte que des spécialistes de la littérature, mais aussi des ethnologues, des folkloristes, des psychologues, des psychanalystes et bien d'autres chercheurs dans le domaine des sciences humaines s'emploient à déchiffrer. Comme le proverbe ou la devinette, le conte fait partie de ce qu'on appelle la littérature orale, qui se transmet de bouche à oreille et de génération en génération. Si le conte est hérité de la tradition et répété indéfiniment, il prend, à chaque fois qu'il est dit, une nouvelle forme, celle que le conteur lui donne. C'est pourquoi le conte a été parfois considéré comme un genre «mouvant», par opposition au proverbe ou à la devinette qui, eux, ne subissent pas de modification. La transcription par écrit des contes, si elle permet de fixer et donc de sauver de l'oubli les récits, ne reproduit pas tous les aspects du conte. Les répétitions ou les digressions qui, à l'oral, ont leur saveur, deviennent gênantes à l'écrit. C'est pourquoi elles sont effacées dans les ouvrages. Le conte gagne en concision et en cohérence, mais il perd beaucoup de sa chaleur. Et même quand le conte est enregistré ou même filmé, on entend la voix du conteur et on peut voir les expressions de son visage, mais on est privé de sa présence physique. Quant à la langue et au style, ils sont souvent, quand ils passent à l'écrit, modifiés. D'ailleurs, des auteurs d'ouvrages de contes le reconnaissent eux-mêmes : ainsi, les frères Grimm soutiennent avoir transcrit fidèlement les textes comme ils les ont recueillis, mais au plan stylistique, ils avouent avoir adopté leur propre style et avoir ajouté des détails. Dans l'espoir de restituer cette dimension orale, certains ethnologues, comme Arnold Van Gennep font la recommandation de «tout noter intégralement, sans faire intervenir une critique littéraire, affective ou morale, ni évaluer ce qui est populaire au moyen de mètres artificiellement construits». Mais cette position ne fait pas l'unanimité. Henry Pourrat, collecteur de contes populaires français, réfute la prétention à restituer le conte tel quel et revendique l'adaptation comme un moyen de perpétuer ce genre populaire. C'est pour perpétuer le conte que le même Pourrat intègre dans son roman, Gaspard des montagnes, des contes qui sont en quelque sorte des témoins de la culture paysanne mise en scène. Le mot «merveilleux» que l'ont connaît dans le sens courant de «surprenant, étonnant» doit être pris, pour ce qui est du conte, dans celui de «surnaturel» : il provient du latin populaire miribilia, altération de mirabilia «choses étonnantes, admirables» ; le merveilleux, c'est ce qui dépasse l'entendement, ce qui paraît irréel, mais non absurde : ce sont les animaux qui parlent, les géants, les ogres, les fées et les baguettes ou les bagues magiques qui ont le pouvoir de réaliser les vœux les plus fous, de résoudre les problèmes les plus insolubles. Si le merveilleux est provoqué le plus souvent par certains personnages (fées, sorciers...) il fait également partie du monde du conte : monde intemporel, régi par des lois qui ne sont pas celles de notre monde. (à suivre ...)