Résumé de la 1re partie n Bien que le narrateur n'aime pas la chasse, il se propose quand même de débarrasser le village du sanglier «marabout». Sa première tentative échoue... J'avais à peine fait quelques pas que je m'arrêtai très ému dans le silence de la nuit que rompait à peine le bruit de mes pieds chaussés de sandales qui glissaient dans l'herbe sèche, j'avais entendu un susurrement, semblable à celui que produit un corps souple roulant dans les feuilles mortes. J'écoutai un bon moment : plus rien ! je repris ma marche lente, pensant m'être trompé. De nouveau, le bruit étrange se fit entendre très net. Pour le coup, c'était trop fort ! J'étais évidemment suivi, mais par qui ? Faisant sauter dans mes mains le fusil que j'avais sur l'épaule, je fis craquer les batteries en élevant la voix «Est-ce toi, Ali ?», fis-je, croyant à une plaisanterie d'un des chasseurs, coutumier du fait, et qui avait été, peut-être, comme moi, sans succès le sanglier diabolique. Personne ne répondit. Je me remis en route, l'oreille au guet, comptant que je n'aurais plus à m'inquiéter d'un fauve, qui aurait fui à mes paroles, ni d'un malfaiteur qui devait me savoir sur mes gardes. Chose bizarre, le bruit se reproduisit toujours tout près et derrière moi. Je fis quelques pas très rapides et vivement me retournai ; la nuit était trop obscure, la broussaille trop dense, je n'aperçus rien. Il me vint alors à l'idée que j'avais à ma suite une panthère : c'était sa présence qui, probablement, avait empêché mon sanglier d'accomplir ses promenades nocturnes. Cette idée, je l'avoue, me fit passer un froid dans le dos ; comment, dans cette obscurité, me défendre de la bête qui m'épiait sans doute et devait être de belle taille pour avoir mis en fuite le monstrueux solitaire ? J'étais presque inévitablement perdu si elle m'attaquait. Décidé à me défendre énergiquement, je tirai de ma poche un long couteau catalan, affilé comme un rasoir, cadeau de mon père (le fusil dans l'ombre devenait, en effet, plus inutile qu'un bâton) ; serrant l'arme dans la main droite, je m'adossai à un gros chêne pour ne pas être pris par derrière, mode d'attaque familier aux félins. Pas un souffle ne se fit entendre dans le calme de l'atmosphère. Je restai assez longtemps contre mon arbre, dans un état d'esprit inexplicable, en proie à la rage et à la peur. Enervé de mon attente vaine, désireux de hâter le dénouement et de précipiter l'attaque du fauve, je m'accroupis : je savais que la panthère, qui redoute l'homme debout, se jette facilement sur une personne courbée, ou couchée. Je serrais follement mon couteau, les yeux dilatés pour mieux voir et rien ne vint. Je me sentis envahir d'une crainte mystérieuse ; les histoires kabyles seraient-elles vraies ? Est-ce qu'il y a véritablement des génies malfaisants habitant les forêts ? Y a-t-il vraiment des animaux marabouts ? J'essayais de me moquer de moi-même et de mes craintes sans y parvenir. Influence du milieu, pensais-je : c'est la solitude, la voûte sombre des bois qui m'oppresse. Fuyons vers les prairies, vers la clarté. Je courus en bondissant par-dessus les cystes nains et soudain, paralysé, je m'arrêtai. Le froufrou inexplicable m'avait suivi ! La bête n'était pas découragée ; elle me guettait, me suivait, allait me prendre traîtreusement par derrière. (à suivre...)