Résumé : Mohamed a décidé de quitter son village pour se rendre dans la grande ville. Il se confie à sa mère. Cette dernière, qui n'avait plus personne sur qui compter, veut l'accompagner. Elle est vieille et à moitié aveugle. 5eme partie La vieille dame insiste : - Eh bien mon fils, je serai avec toi. - Mais tes jambes te supportent à peine mère et tu n'as plus ni ta santé ni ta vue pour me suivre. - Je marcherai autant que je le pourrai, et le jour où je ne pourrai plus ni voir ni marcher, tu m'abandonneras aux loups. Mohamed secoue sa tête. - Tu es têtue mère. Tu ne connais pas encore les dangers de la route. - Et toi, tu les connais ? Si ma mémoire est bonne, je crois que tu aies quitté ce village du vivant de ton père qu'à peine une dizaine de fois pour te rendre dans les souk des villages environnants ou dans la forêt, pour chasser le gibier. Mais la grande ville… - Je sais mère. Mais, qui ne tente rien n'a rien. Je verrai tout d'abord comment les choses vont se présenter, et ensuite, je reviendrai te chercher. La vieille dame se lève et agite sa canne. - Mohamed, mon fils, que la bénédiction de Dieu te suive, que tes pas soient protégés et que ta vie soit un fleuve tranquille. Ne m'abandonne pas. Je ne te laisserais pas partir sans moi… Connaissant sa mère et sa persévérance, Mohamed n'avait d'autres choix que celui de s'incliner. Il était décidé à partir. Et il partira dès ce soir. 1890 – LE PERIPLE Prenant son burnous et le fusil légué par son grand-père, ainsi que quelques victuailles qu'il noua dans un balluchon, il se dirige vers le grand portail de la maison. Sa mère l'attendait déjà en tâtant les murs. Et ce fut le grand départ. Mohamed marchait devant et sa mère le suivait. Mais il comprit vite qu'à ce rythme, il n'ira pas loin. Alors, il la prend sur son dos et se met à marcher d'un pas sûr et rapide. Ils s'arrêtèrent à la tombée de la nuit, mangèrent quelques olives sèches et de la galette, puis s'endormirent sous un arbre centenaire. Mohamed, son fusil serré contre lui, veillait au grain. Il guettait le moindre bruit. Quelques animaux vinrent rôder autour de lui, mais il sut les garder à distance. Il connaissait si bien la forêt et ses secrets qu'il ne craignait plus rien. Au petit matin, il reprit la route, sa mère toujours sur son dos. Il marchait vite, et ils eurent tôt fait d'arriver au premier village. La vieille femme avait mal aux articulations. La nuit dans la forêt n'était pas pour arranger ses douleurs rhumatismales. Mohamed savait que malgré son silence, sa mère souffrait le martyre. Il regrettait déjà d'avoir cédé à un moment de faiblesse et de l'avoir prise avec lui. Tant pis. Au point où il en est, il ferait mieux de continuer. Une première halte dans le village leur fera du bien à tous les deux. Mohamed se dirigera tout bonnement vers la grande placette où se réunissaient les notables et les sages. À sa vue, il se levèrent et lui souhaitèrent la bienvenue. La générosité légendaire des paysans, n'étant plus à démontrer, ils lui proposèrent le gîte et le couvert et prirent en charge sa vieille mère qu'ils laissèrent aux soins de quelques femmes avant de revenir vers Mohamed. Bien sûr, ce dernier paraissait jeune, mais avait un air intelligent qui ne trompait pas. Ainsi donc, et après un bon dîner autour du feu, un des sages lui demande d'où il venait et pourquoi transportait-il sa mère tel un fardeau sur son dos. Mohamed ne se fait pas prier pour leur raconter son histoire. Il s'abstint cependant d'avouer qu'il avait de l'argent et de l'or sur lui. Sait-on jamais ? Les habitués de la “djemaâ” le prirent en sympathie. Chacun, à sa manière, tenta de le réconforter, et certains iront même jusqu'à lui proposer de travailler pour eux. Mais c'était ça que ce jeune homme justement ne voulait pas : travailler pour autrui, alors qu'il devrait plutôt être maître chez lui. (À suivre) Y. H.