Carence n Par quels vocables peut-on qualifier une école publique dont les élèves parcourent 12 km par jour pour venir y étudier ? On les voit, tous les matins de bonne heure, marcher en file indienne le long des routes transis de froid, à peine réveillés. Tout le monde les a sans doute aperçus un jour, tout ébouriffés, grelottant, épiant chaque voiture qui passe avec l'espoir secret de se faire transporter. Quelques âmes charitables prennent la peine de s'arrêter et font monter deux ou trois enfants. Certaines communes en zones rurales font des pirouettes pour régler ce problème de ramassage scolaire. Des APC par exemple, faute de moyens conséquents, ont contourné la difficulté en louant à l'année un minibus au privé. Et quand les ressources financières sont nulles ou quasi rares, elles mettent à la disposition des enfants n'importe quel engin disponible de la municipalité. Il est même arrivé que des mécènes locaux offrent gratuitement leurs services aux autorités locales. Des communes, en revanche, ont carrément détourné le chapitre consacré au ramassage scolaire vers des objectifs «plus rentables» arguant d'une vague priorité en matière de développement. Si le problème de l'accès, le matin à 8h, à l'école fondamentale pose problème à la campagne, celui de l'accès au lycée généralement au chef-lieu de daïra ou de wilaya paraît insoluble. Comment ces élèves qui habitent souvent des zones enclavées et isolées règlent-ils le problème ? Par le système D, tout simplement. C'est le clandestin, le camion de la commune, c'est le car, c'est le stop avec tous les risques que cela comporte. Il est clair que ces enfants qui quittent généralement leur domicile au chant du coq, le ventre souvent creux, qui se décarcassent pour arriver à l'heure, franchissent les portes de la classe fourbus, fatigués, éreintés, parfois énervés. Combien de temps leur faudra-t-il pour se calmer, reprendre leurs esprits et se concentrer enfin sur leur cours ? Une heure, peut-être plus tous les jours que Dieu fait et c'est autant d'heures de perdues dans leur cursus. Mais il y a pire dans la carte scolaire. On a vu des élèves habiter à cinq cents mètres d'un lycée ou d'un CEM inscrits d'office par les services de l'académie dans un établissement à l'autre bout de la ville. La question se pose là aussi : qui exactement dessine cette carte, en fonction de quelles limites urbaines, de quelles frontières ? Quant aux commodités censées accompagner ces classes, autant dire qu'elles n'existent pas, sinon sur le papier. Ainsi en est-il par exemple du chauffage. Rares sont les classes actuellement chauffées en hiver. Des élèves ont été atteints de bronchite pulmonaire et même de bronchite aiguë parce que l'école n'avait pas les moyens de remplacer une vitre cassée.