La maison qui abrite le musée franco-omanais fut le consulat de France à Mascate entre 1896 et 1920. Elle prit et conserva le nom de beït Fransa. Construite dans l'enceinte des remparts de la ville, elle était destinée à Ghalia Ben Salem, une nièce du sultan Saïd Ben Sultan. L'habitation fut ensuite offerte, en 1886, au premier consul de France à Mascate par le sultan Faysal Ben Turki pour servir de chancellerie et de résidence aux représentants consulaires de ce pays. Blanche, entourée de jardins et de jets d'eau, elle respire le calme et la sérénité. Ressemblant plutôt à un Riyad marocain, elle est pénétrée par la lumière et le vent frais qui souffle par la mer. La maison est l'endroit privilégié des touristes, notamment français qui viennent contempler l'exposition qui retrace les liens historiques entre les deux pays. Des correspondances manuscrites envoyées par de nombreux rois de France aux sultans de l'époque, divers uniformes de guerriers et maritimes et autres instruments de navigation de longue date sont exposés dans de grandes vitrines soigneusement éclairées et entretenues. Le visiteur ne peut passer sans remarquer les posters géants montrant feu François Mitterrand et le sultan Qaboos, paradant comme « des dieux » sur le perron de l'Elysée. C'est d'ailleurs à l'ancien président français qu'est revenu l'honneur d'inaugurer ce musée, considéré aujourd'hui comme un passage obligé pour tous les visiteurs de Mascate. Oman est aussi réputé pour ses forts. Le pays en possède plus de quatre cents, disséminés dans les montagnes et autres crêtes. Mais seuls une trentaine sont encore fonctionnels et pénétrables. Tous les autres n'ont pas résisté à l'usure du temps et de l'histoire. Plus que cela, bien des villages ancestraux ont complètement disparu de la carte géographique du pays. Et les ruines qu'on peut apercevoir sur la route qui nous mène de Mascate à Sour en est bien la preuve. Cette ville, située à une centaine de kilomètres de la capitale, a participé à l'écriture de l'histoire contemporaine d'Oman. On raconte que ce sont ses habitants composés essentiellement de deux grandes familles les Djneibis et les Alaouis qui ont redonné les clés de la cité au sultan Faysal Bin Turki, père de l'actuel sultan, après avoir été détrôné par des tribus adverses de confession chiîtes. Les faits remontent aux années 1960 au cours desquelles une bataille atroce et meurtrière a opposé des musulmans sunnites aux chiîtes sur les portes maritimes de Sour et de Mascate. Bilan : des milliers de morts de part et d'autre. Et l'honneur du sultan fut sauvé et les chiites ont enfin reculé. Et en guise de remerciement, le sultan leur a offert de hauts postes de responsabilité dans l'administration omanaise. Sour, à l'instar de beaucoup d'autres villes du pays vit aussi de la pêche et d'échanges culturels et commerciaux avec les Indes et les autres îles d'Afrique. Une ville tranquille avec de grandes ruelles désertes et un centre-ville bouillonnant d'activités en tout genre. Elle est aussi la capitale arabe des bateaux en bois. Tout au long de la route qui longe le littoral, on peut contempler des chefs-d'œuvre de navigation construits avec une finesse incroyable et un savoir-faire qui attire les acheteurs les plus fortunés du monde. Un métier qui se transmet oralement et par observation de père en fils et un secret professionnel jalousement bien gardé. Pieds nus et accoudé aux murs de son atelier, Ben Aziz Musbah Al Khoury est propriétaire de l'une des plus importantes entreprises de construction de bateaux en bois d'Oman. Agé de plus de 70 ans, barbe blanche lui couvrant presque le visage, il discute avec son fils, un jeune brun, qui a repris les affaires du père. C'est qu'ils ont reçu une commande importante, peut-être la plus importante de l'histoire de leur entreprise : le roi leur a demandé de lui construire un gros bateau en bois qu'il utilisera pour ses voyages officiels dans la région et les îles limitrophes. Depuis, c'est le branle-bas de combat. Les ouvriers, essentiellement des Pakistanais et des Indiens, payés avec des pincettes, travaillent jour et nuit pour mettre sur pied ce bateau qui mesure plus de 32 m de longueur et 15 m de hauteur. Dans deux mois, il « prendra l'eau » en présence du sultan qui viendrait éventuellement en voyage officiel à Sour. Les préparatifs vont bon train et l'effervescence gagne la ville au fur et à mesure que le rendez-vous se fait prêt. Va-t-on ramener un bulldozer pour le pousser à l'eau ou ce sont les hommes qui le feront comme le veut la tradition ? La question n'est pas encore réglée, mais la majorité des avis penche pour la deuxième solution. À la découverte des tortues géantes Décoré comme si c'était une maison, ce joyau des mers possède trois chambres et un grand salon royal paré selon les recommandations et les goûts du sultan lui-même. Pour sa prochaine tournée, le sultan aurait prévu d'accoster dans tous les ports du pays. Sauf peut-être à Nizwa, car on ne peut y accéder par la mer. Mais restons encore un peu à Sour et faisons un tour du côté de Ras Al Djinn (la tête du diable), une plage sablonneuse située à une quarantaine de kilomètres de la ville. C'est là que les tortues géantes en voie d'extinction ont élu domicile. Pour les voir, il faut s'y rendre la nuit vers 23h et s'aventurer sur une piste dangereuse et rocailleuse. Pas moyen de prendre une voiture normale, il vous faut un véhicule tout-terrain. Nous décidons de tenter le coup avec l'espoir de voir de près ces animaux géants dont tout le monde en parle mais que personne ou presque ne voit. Le rendez-vous avec le guide est fixé pour 20h30. Après le dîner. Il faut compter une bonne heure de route avant d'atteindre Ras Al Djinn. Vont-elles sortir pour se prélasser sur le sable doux, mais fait-il froid ce soir ? Une question qui est revenue tout au long du trajet. Selon le guide, déjà des éléments négatifs, comme le clair de lune et le vent qui souffle avec légèreté, risquent de compromettre le but de notre visite. Mais peu importe, on est déjà à mi-chemin. Arrivés sur les lieux, nous trouvons de nombreux groupes de touristes venus de tous les pays du monde. Ils attendent que le gardien de la plage et des tortues accepte de les conduire jusqu'au rivage et peut-être aussi leur montrer une tortue géante, si celle-ci veuille bien sortir de l'eau. Mais en attendant, on pouvait contempler et même caresser de petites espèces noires et bleues mises dans une bassine d'eau salée. La visite n'est pas gratuite. Elle coûte un dirham omanais par personne (10 DA). La vue des tortues pas comprise. Ici, on ne rembourse pas les sous. Au fur et à mesure que le temps avance, le nombre de touristes augmente pour atteindre une centaine. 23h30. Le gardien des lieux décide enfin de nous emmener jusqu'au rivage. Peut-être que l'heureuse créature est déjà au rendez-vous. Nous nous déplaçons dans le noir, en nous recommandant de garder le silence pour ne pas les effrayer. Maintenant, nous sommes à une vingtaine de mètres seulement de l'eau. Le bruit des vagues est discordant, tandis que la lune éclaire, à notre regret, l'endroit. Le gardien nous demande de le laisser seul aller voir s'il y a quelque chose. Dix minutes, vingt, bientôt une heure, rien de nouveau sous la lune. Alors que tous les guides commençaient à expliquer à leurs clients que c'est peine perdue et que les tortues ne viendront pas ce soir, voilà le gardien qui revient de loin en courant : « Il y a une grosse là-bas, dit-il en arabe à son ami qui traduit en anglais. A mon avis, elle veut pondre ses œufs, mais elle semble contrariée par l'endroit un peu rocheux et sans perspective. Du coup, elle veut retourner dans l'eau. » Le guide invite donc les touristes à le suivre. Puis soudain, on découvrit une tortue géante de plusieurs kilos. Elle essayait de se frayer un chemin pour retourner dans l'eau. Mais comme toutes les tortues, la nôtre mettait un temps fou pour parcourir, ne serait-ce qu'un pas, ce qui arrangeait bien les touristes qui ne se lassaient pas d'immortaliser ces moments. « En principe, ce n'est pas la période de ponte, à en croire notre guide. Celle-ci intervient, dit-il, entre mai et juin. » Nizwais et Mozabites, de redoutables commerçants Nous quittons Sour le lendemain matin. Direction Nizwa, située à 200 km environ. C'est l'une des plus vieilles cités d'Oman, située exactement au centre du pays. Entre Salala qui est plus au Sud et Mascate au Nord. Une ville religieuse, berceau de « l'imamat », un groupe de religieux musulmans arrivés du Yémen durant le Xe siècle en vue de propager l'Islam. Nizwa, selon ses habitants, prend son nom d'une fontaine fraîche, appelée Nizaw. Une eau souterraine qui arrose tous les vergers situés sur la périphérie de cette cité. Sur le plan historique, culturel et religieux, Nizwa est la copie conforme de Ghardaïa en Algérie. Des Mozabites d'Oman en quelque sorte. Tenue traditionnelle bleue ou blanche, pantalons gonflés (seroual arabe traditionnel), barbichette fine et toujours bien taillée, les ressemblances physiques et culturelles indiquent que les échanges entre les deux communautés ont été riches et fructueux. Des similitudes qu'un riche commerçant de bijoux nous a vite confirmées lorsqu'il a su que nous étions d'origine algérienne. « Mais nous sommes frères, nous a-t-il lancé avec un brin de fierté. Des gens de chez vous (sans préciser qu'il s'agissait de Mozabites) venaient régulièrement ici à Nizwa pour rendre visite à notre cheikh et s'entretenir avec lui sur plusieurs sujets touchant aux deux communautés. » A quand remonte la dernière visite, lui demande-t-on : « A une dizaine d'années à peu près. Il faut dire que les événements qui ont ensanglanté votre pays ont freiné quelque peu ce genre d'échanges et dissuadé plus d'un d'entre nous de s'y déplacer. Mais nous espérons que les relations retrouvent leur chaleur d'antan. » Comme les Mozabites d'Algérie, ceux de Nizwa sont des commerçants avisés. Notamment, la vente de l'or et autres objets de valeur. Des négociateurs redoutables qui attirent avec une aisance particulière les dizaines de touristes qui visitent l'ancien marché couvert. Ce sont aussi de bons collectionneurs d'objets rares. Nizwa est une ville très étendue. Elle est entourée d'oasis formées de hauts palmiers dattiers et de jardins où l'on plante toute sorte de fruits et légumes. Et l'autre ressemblance entre Ghardaïa et Nizwa, c'est l'existence du même système d'irrigation et de partage égalitaire de l'eau. Un procédé qui a aidé à régler définitivement le problème d'arrosage des jardins dans une ville presque semi-désertique. Les quartiers où habitent les Mozabites de Nizwa sont gérés, selon les rites et les habitudes en vigeur dans la communauté : respect de la hiérarchie religieuse, entraide et volontariat, acquittement des devoirs moraux et financiers, tels sont les secrets qui ont conduit cette population à rester soudée et unie autour de leur chef spirituel dans un Oman mixte, multiculturel et de diverses ethnies. Nizwa possède un beau marché. Il coupe la ville en deux. Il est le point de rencontre de tous les vendeurs qui viennent de l'extrême sud du pays, comme Salala ou du Nord comme Sour. On y vend tout : bétails, bijoux (or et argent), objets traditionnels fabriqués localement et différentes variétés de tissus importés principalement des Indes ou des îles Comores. Pas loin du marché, en face de la mosquée Qaboos, se trouve le gigantesque fort de Mascate. C'est une bâtisse construite en hauteur et en pierre rouge d'une solidité remarquable. Difficile d'accès, elle est entourée de canons qui servaient autrefois à repousser l'ennemi, grâce notamment à sa terrasse circulaire d'où l'on peut dominer toute la ville. Le fort est la fierté des habitants de Nizwa. Il reste le dernier témoin de bien des batailles livrées et gagnées, selon les propos de notre guide, contre les ennemis des autres contrées africaines et indiennes. L'intérieur est d'une architecture inextricable, avec de nombreuses entrées et des salles à en perdre la tête. Des puits, creusés depuis des siècles à l'intérieur, sont restés comme ils étaient. Et l'eau n'a pas tari. Au contraire, elle coule à flots, au plaisir des milliers de touristes qui aiment se reposer sur le sol cimenté pour se rincer les mains et le visage. Après avoir payé l'entrée (environ 10 DA), de nombreux guides vous accueillent au seuil de la porte pour vous faire le tour. Il peut durer plus d'une heure tant sont nombreuses les choses et les coins à découvrir. De la salle où officiait le chef de la communauté de l'époque aux différentes pièces qui servaient à enseigner les sciences religieuses, en passant par les cuisines et les salles de repos, tout a été soigneusement bien gardé. Dans un style traditionnel local. On peut même toucher les ustensiles utilisés durant cette période. Des objets de fortune, noircis par le temps tels que les plats, les casseroles ou les louches fabriquées avec du fer forgé mais, tout de même, commode. Et si par hasard, vous vous aventurez au sous-sol, vous visiterez le bagne du fort. Une dizaine de pièces humides et sans lumière, avec un sol composé de sable et de cailloux. Un endroit d'où l'on ne peut jamais s'évader ou voir la lumière du jour. Combien d'hommes torturés, de prisonniers massacrés, seule cette effroyable cave pourrait donner des réponses...