Résumé de la 2e partie Ahuri, le voyageur entend enfin la voix de son hôte mystérieux, qui lui fait très peur maintenant. Mais le vieillard, sans faire attention à ma frayeur, continuait toujours d?une voix lente : ? Il y a de cela cinquante ans. J?étais riche, bien riche et je demeurais alors dans la maison où je te reçois ici, ce soir. C?était la veille du jour de l?an, comme aujourd?hui, et seul près de mon foyer, je jouissais du bien-être d?un abri contre la tempête et d?un bon feu. Le froid, dehors, faisait craquer les pierres de mes murs. On frappa à ma porte ; j?hésitai à ouvrir. Je craignais que ce ne fût quelque voleur qui, sachant mes richesses, ne vînt pour me piller et, qui sait, peut-être m?assassiner ! Je fis la sourde oreille et après quelques instants, les coups cessèrent. Je m?endormis bientôt pour ne me réveiller que le lendemain au grand jour, au bruit que faisaient deux jeunes hommes du voisinage qui ébranlaient ma porte à grands coups de pied. Je me levai à la hâte pour aller les châtier de leur impudence quand j?aperçus, en ouvrant la porte, le corps inanimé d?un jeune homme qui était mort de froid et de misère au seuil de ma maison. J?avais, par amour pour mon or, laissé mourir un homme qui frappait à ma porte. J?étais presque un assassin. Je devins fou de douleur et de repentir. Après avoir payé un enterrement décent au malheureux, je divisai ma fortune entre les pauvres des environs, en priant Dieu d?accepter ce sacrifice en expiation du crime que j?avais commis. Deux ans plus tard, je fus brûlé vif dans ma demeure et je dus aller rendre compte à mon créateur de ma conduite sur cette terre que j?avais quittée d?une manière si tragique. Je ne fus pas trouvé digne du bonheur des élus et je fus condamné à revenir, à la veille de chaque nouvel an, attendre, ici, qu?un voyageur vînt frapper à ma porte afin que je puisse lui donner cette hospitalité que j?avais refusée de mon vivant à l?un de mes semblables. Pendant cinquante hivers, je suis venu, sur l?ordre de Dieu, passer ici la nuit du dernier jour de l?année sans que jamais un voyageur en détresse ne vînt frapper à ma porte. Vous êtes enfin venu ce soir, et Dieu m?a pardonné. Soyez à jamais béni d?avoir été la cause de ma délivrance des flammes du purgatoire. Sachez que, quoi qu?il vous arrive ici-bas, je prierai pour vous là-haut. Le revenant ? car c?en était un ? parlait encore quand, succombant aux émotions terribles de frayeur et d?étonnement qui m?agitaient, je perdis connaissance. Je me réveillai dans mon carosse sur le chemin du retour. La tempête s?était apaisée et j?avais sans doute, sous la direction de mon hôte de l?autre monde, repris la route de chez moi. Je tremblais encore de frayeur quand j?arrivai à une heure du matin et je racontai aux convives rassemblés ma terrible aventure. Quelques jours plus tard, j?appris que les registres de la mairie faisaient en effet mention de la mort tragique d?un homme très riche, dans sa maison incendiée, survenue il y a cinquante ans. En parcourant, en hiver, la grande route qui longe la rive du fleuve, je frissonne encore à la pensée de ce voyage que je fis la veille du nouvel an, même si certains de mes amis prétendent que j?avais rêvé en chemin. Jamais je n?oublierai le regard de feu du fantôme de l?avare.