Résumé de la 3e partie n Après la publication de l'article de l'abbé Pierre, le ministre assiste à l'enterrement du bébé et promet la construction de cités d'urgence... Désormais, il est sur tous les fronts. Il a reçu des dons, il y a eu des gestes généreux qui l'ont réconforté. Ainsi, la propriétaire de l'hôtel Rochester, rue La Boétie, un palace à deux pas des Champs-Elysées, met quelques-unes de ses chambres à la disposition des sans-logis. Il se promet de lui répondre, mais sa lettre arrive au moment où il se prépare pour passer à la télévision. Il la remerciera plus tard. On pourrait penser que ce passage à la télévision est l'événement décisif qui va tout changer. Malheureusement, il s'agit alors d'un média confidentiel. Elle doit toucher au plus trois mille foyers à Paris, c'est-à-dire dans la France entière, car il n'y a que la tour Eiffel qui émette. Ce qu'il faudrait, c'est passer à la radio, sur Radio Luxembourg, de préférence, la station la plus écoutée, dont le journal de 13 heures est reçu par plus de dix millions d'auditeurs. Faute de mieux, l'abbé se contente de la télévision. Arrivé sur le plateau, il s'adresse au président du conseil municipal de Paris, d'une manière à la fois pathétique et incisive. Il réclame d'abord l'arrêt immédiat des expulsions et il poursuit : «Monsieur, vous avez des fourrières pour les chiens. Ne seriez-vous pas capable d'en construire pour les hommes, qui risquent de mourir sur vos trottoirs ?» Mais le président du conseil municipal ne répond pas, pas plus que le préfet de police, qui a été mis en cause également. Ils se taisent. Ils savent qu'ils ne sont pas en position de force. L'abbé Pierre a tout pour lui. Il est ecclésiastique, ancien député, grand résistant : il est intouchable. Alors, ils préfèrent attendre. Il finira bien par se calmer, cet excité qui devrait être de leur bord, mais qui se comporte comme un anarchiste et puis la température finira bien par remonter. Bientôt tout cela ne sera qu'un souvenir. Mais la température ne remonte pas. Non seulement la vague de froid est la plus extrême que la France ait connue depuis que la météo existe, c'est aussi la plus longue. Pendant tout le mois de janvier, le thermomètre reste bloqué aux alentours de -15° C et février est prévu pour être aussi glacial. Quant à l'abbé, penser qu'il pourrait se calmer, c'est bien mal le connaître ! Il en a assez de parler, il décide de passer à l'action. Avec les moyens dont il dispose, cela ne pourra être que symbolique, mais le religieux qu'il est, sait toute l'importance que peut avoir un symbole. Avec une tente récupérée dans un surplus de l'armée américaine, son équipe monte en cinq heures un abri sur un terrain vague de la montagne Sainte-Geneviève, en plein Paris. Ce «toit de toile des sans-espoir», comme il le nomme, ne permet pas d'héberger plus de vingt ou trente personnes et, malgré la paille, les couvertures et les calorifères qu'ont apportés les compagnons d'Emmaüs, l'abri est bien précaire. Mais pour l'abbé le plus important est ailleurs. L'opération a eu lieu en toute illégalité. Il a provoqué les autorités, celles-ci finiront bien par réagir. Et c'est ce qu'il veut. Il sait qu'un tel événement aura un retentissement qui réveillera enfin l'opinion publique. Peu après, le 31 janvier, le curé de la paroisse Saints-Pierre-et-Paul, à courbevoie, met son église à sa disposition pour le prêche dominical. Les fidèles voient monter en chaire un petit homme à l'aspect plutôt frêle, à la barbe noire broussailleuse. (à suivre...)