Résumé de la 6e partie n L'abbé Pierre est submergé par les dons qui affluent de toutes les régions de France et il les stocke dans l'hôtel Rochester... Lorsque l'abbé Pierre arrive sur place, quelques heures plus tard, il y a des tonnes de paquets dans tous les coins ; des millions en billets de banque s'entassent dans les baignoires des chambres et des suites désertées par leurs occupants. L'ambassadeur des Pays-Bas est là qui l'attend, pour lui remettre un chèque versé par la reine sur sa cassette personnelle. Des chèques, il y en a d'autres et il ne cessera certainement d'en arriver les jours suivants. L'un des collaborateurs de l'abbé s'écrie : — Il faudrait une armée de polytechniciens pour compter tout cela ! L'abbé Pierre le prend au mot. Il décroche le téléphone et appelle l'École polytechnique, qui répond présent. Elle aussi participe à l'insurrection de la bonté et tous les journaux publient la photo des jeunes gens en uniforme occupés à la comptabilité. Cette fois, les autorités ont compris : elles cèdent. D'ailleurs, elles n'ont pas le choix. Il est impossible de résister à ce raz de marée. Les expulsions sont suspendues jusqu'à la fin du grand froid. Quatre stations de métro désaffectées sont rouvertes par la préfecture. Le soir venu, plus d'un millier de volontaires se joignent aux forces de l'ordre pour sillonner les rues à la recherche des sans-abri et, le 2 février, Le Figaro peut titrer en première page : «La nuit dernière, à Paris, personne n'a couché dehors.» Les jours suivants, le mouvement s'amplifie. L'abbé Pierre obtient que la gare d'Orsay soit transformée en entrepôt et accueille les dons qui affluent de la France entière. En quatre jours, plus de 150 millions de francs et trois cent cinquante tonnes de vêtements sont collectés. Et, le 4 février, c'est la victoire totale. Un mois jour pour jour après le premier refus, l'amendement sur les cités d'urgence revient devant la Chambre des députés. Une nouvelle fois, Léo Hamon monte à la tribune : — La Sncf vient de battre le record de vitesse sur rails. Mais dans un convoi il est d'usage de régler l'allure sur celle du véhicule le plus lent. Pour reconstruire le pays, il faut penser d'abord aux plus démunis. Je vous demande de voter l'amendement sur les cités d'urgence. L'amendement est voté à l'unanimité. Et ce n'est pas 1 milliard qui est accordé, comme cela avait été proposé la première fois, mais 10 ! Le 7 février, Maurice Lemaire, ministre du Logement, annonce la construction de plusieurs cités d'urgence. La première d'entre elles sera inaugurée au Plessis-Trévise dans l'est parisien, au mois d'avril suivant. Peu après, parachevant le triomphe, est votée une autre loi interdisant les expulsions durant les mois d'hiver. Par la suite, l'abbé Pierre a continué son action. Emmaüs s'est étendu dans toute la France et son action est connue du monde entier. Après s'être tenu en retrait avec le retour de la prospérité, l'abbé Pierre est revenu sur le devant de la scène dans les années 1980, avec la montée du chômage, critiquant les hommes politiques de droite comme de gauche et affichant des opinions exigeantes en faveur des plus démunis. Il n'a pas cessé depuis. Il est la conscience de notre société, et ce n'est pas un hasard s'il est depuis des années le personnage le plus aimé des Français. Car qui pourrait ne pas se sentir solidaire de celui qui a dit de lui-même «Je ne suis ni Jeanne d'Arc ni Napoléon, je ne suis que la voix des sans-voix.»