Espoir n Bien plus que les autres communautés, les Maghrébins de France auraient bien pu se réjouir de la victoire de Barack Obama aux Etats-Unis. L'Amérique a bien fini par confier son destin et le code de défense nucléaire à un homme de couleur qui, s'il était né quelques années plus tôt, aurait été légalement empêché de voter, de fréquenter l'école des Blancs et de prendre leur bus. Pourquoi la France, «terre d'asile, des droits de l'Homme et de la laïcité», ne ferait-elle pas, un jour, de même ? C'est la question qu'auraient pu se poser tout bas, depuis ce fatidique 4 novembre 2008, ces millions de descendants d'immigrés qui peuplent les banlieues des grandes villes de l'Hexagone. D'autant plus, auraient-ils dû se dire encore, que la France a déjà «franchi le pas» avec l'élection de Nicolas Sarkozy, un descendant d'immigrants hongrois, à la magistrature suprême. Avant lui, d'autres «étrangers» ont occupé des fonctions presque aussi importantes, comme «l'Italien» Raymond Forni qui a présidé l'Assemblée nationale de 2000 à 2002. Mais un sondage paru juste avant l'historique élection américaine, empêche les Français d'origine algérienne, marocaine et tunisienne de jubiler et de rêver d'un destin national pour un des leurs. Sachant que 62% des Français souhaitaient ouvertement l'entrée de Barack Obama à la Maison-Blanche, un institut de sondage a eu la subtile idée de leur demander s'ils étaient prêts à ouvrir le portail de l'Elysée à un candidat de couleur. 80% des personnes interrogées ont affiché leur disposition à voter pour un candidat Noir à l'élection présidentielle et 72% pour un candidat originaire d'un pays asiatique (Chine, Inde…). Mais seuls 58% ont affirmé ne pas voir d'inconvénient à ce que le pays soit dirigé par un Maghrébin. Autrement dit, 42% des Français affichent ouvertement leur racisme. Ajoutez à ces chiffres le syndrome Bradley (réticence des personnes sondées à afficher leur opposition à un candidat de couleur) et vous aurez une idée plus précise des chances de Azouz Begag ou de Rachida Dati d'accéder à la magistrature suprême. Pourtant, les plus optimistes ne se sont pas empêchés de faire le parallèle entre leur fulgurante ascension et la saga d'Obama en soulignant que l'élection de ce dernier n'est que la suite logique de l'accès progressif de gens de couleur à des postes clés aux Etats-Unis : Collin Powel et Condoleeza Rice au Département d'Etat, sénateurs, gouverneurs d'Etat importants, maires de grandes villes… Sauf que, à l'inverse de ce qui se passe aux States, la nomination en France d'enfants d'immigrés à la tête de ministères – fussent-ils de souveraineté, comme c'est le cas de Rachida Dati nommée à la Justice – n'est, en fait, que l'arbre qui cache l'immense forêt de la discrimination. La communauté issue de l'immigration ou des départements d'outre-mer demeure sous-représentée dans les institutions françaises. Qu'on en juge : un seul député noir élu en métropole lors des législatives de 2002, très peu de sénateurs issus de l'immigration et trois ministres représentant les minorités (Rama Yadé, Rachida Dati et Fadéla Amara). Même dans les assemblées locales, les «immigrés» ne sont pas mieux lotis. C'est dire que même les Noirs ne doivent pas se laisser bercer par le chiffre flatteur du sondage cité plus haut. La France ne soldera pas de sitôt l'héritage colonial...